28.12.14

28 décembre

Chère épouse et petite Marie,
Comme je ne reçois plus rien de toi depuis ta lettre du 18 courant, je suis bien en peine de savoir ce qu'il en est. Serais-tu malade ou petite Marie, et que l'on me le cache ? Je ne voudrais pas que vous me fassiez cela car je suis trop tourmenté à ce motif. Dites moi bien toute la vérité ; ou ne recevrais-tu plus mes lettres ou que tu ne veuilles plus m'écrire ? mais je ne crois pas cela de toi ma chérie, tu ne souffrirais pas de me faire pareille chose car tu es comme moi : tu aimes trop ton petit époux... Serait-ce la Poste qui serait devenue aussi irrégulière que les premiers temps, enfin fait comme moi, fait moi parvenir de tes nouvelles pour me tranquilliser car j'ai le coeur bien gros en ce moment ma chérie.
J'ai passé un bon moment hier avec Sigonney qui m'a raconté bien des choses de la guerre, il a reçu des nouvelles de chez M. Bouveret où ils lui disent que tu es bien ennuyée de moi. Pourquoi tout ce mauvais sang ? Espère toujours, c'est le meilleur moyen de calmer cette tristesse que tu as. Embrasse bien petite Marie et tous les parents. Soit aussi bien tendrement embrassée comme je t'aime
Ton Léon




26.12.14

26 décembre

Ballersdorf (Alsace), le 26 décembre

Chère épouse adorée et chère petite Marie,
Par cette présente carte, je viens te présenter ma chérie et petite Marie, ainsi que chère Maman et Edmond, mes vœux et souhaits les plus sincères pour la nouvelle année : vœux et souhaits de bonheur, santé et prospérité ; ainsi que la grande espérance de mon retour vers mes deux chéries et parents qui m'attendent avec impatience. Je demande tous les jours à Dieu qu'il me fasse la grâce de  revoir ma petite famille et d'être heureux comme nous l'avons été, dans si peu de temps. Enfin, 1914 qui nous a unis et nous a séparé, va bientôt disparaitre, et 1915 qui nous apporte la gloire nous donnera le bonheur à tous.
Chère Alice, la fête de Noël s'est bien passée, je suis allé à la messe hier matin, messe qui était pour les soldats et dite par un soldat prêtre. J'ai trouvé l'église de Ballersdorf fort jolie, elle vaut bien celle de St Maurice de Salins quoique c'est un village. J'espère que ma chère enfant vient bien maintenant qu'elle est fille de Dieu. Et toi, ma petite femme chérie, je pense que tu es toujours en bonne santé aussi.
Je vous embrasse tous bien fort.
Ton Léon




Soldats à l'église de Ballersdorf


22.12.14

22 décembre

Chère Alice et chère petite Marie,

Je m'empresse de faire réponse à ta lettre du 18 courant que j'ai reçue hier au soir, ainsi qu'une lettre de Germaine. Je suis heureux de savoir mon enfant chérie baptisée mais je serai encore bien plus heureux le jour où je pourrai vous serrer dans mes bras et vous couvrir de baisers brulants. Que ce petit ange de cette terre me porte bonheur pour que je puisse la connaitre et bien l'élever. J'ai toujours la ferme espérance de mon retour, mais le destin me sera-t'il favorable ? J'avais des amis intimes qui parlaient de l'avenir, et hélas, qui ne sont plus. J'implore tous les soirs le Très-Haut qu'il me fasse la grâce de revoir ma petite famille et de bien l'élever mon enfant ; enfin, espérons que pareil malheur ne t'arrivera pas et que je serai rendu à ta tendresse.
Chère bien aimée, tout ce que tu as fait pour le baptême est bien, je suis bien content de toi, tu as bien fait pour M. le Curé de St Maurice, et aussi pour M. le Curé Bailly, ainsi que pour M. et Mme Blandin. Moi, si j'ai le bonheur de rentrer, je serai heureux d'en avoir aussi mais d'ici là ils seront vieux, ce sera comme le vin : plus il est vieux, meilleur il est.
J'ai écrit à Germaine en même temps qu'à toi mais j'ai oublié une chose : c'est de la remercier de ce qu'elle a donné pour notre chérie. Si tu la vois bientôt, remercie la bien pour moi en attendant que je lui réécrive. Je ne puis le faire maintenant car la lettre est cachetée. N'oublie pas cela ma chérie, car elle pourrait mal me juger. Je te remercie bien des bonjours de M. le Curé de St Maurice et de M. et Mme Bourgeois. Lorsque tu les reverras, tu leur donneras aussi le bonjour de ma part, ainsi qu'aux amis et connaissances.
J'ai écrit à Eugène et à Alfred il y a quelques jours. Ils seront contents d'avoir de mes nouvelles comme moi d'en avoir des leurs. J'ai reçu une lettre d'Albert il y a quelques jours. Il va bien aussi, il était en souci de moi car dans sa compagnie il y en a qui avaient reçu des nouvelles du 244ème où on lui avait dit que mon régiment avait été bien éprouvé. Je ne comprends pas ces porteurs de fausses nouvelles qui parlent de pareils faits pour ce qu'il y a eu, il est vrai que c'est bien de trop mais il est nullement besoin d'en faire un journal. Il se porte bien aussi, moi de mon côté je suis un peu souffrant car l'on nous a vaccinés contre la fièvre typhoïde et ça me travaille encore assez ; enfin tranquillise-toi là dessus, c'est encore l'affaire de quelques jours et tout ira bien. Je ne me fait pas de mauvais sang, c'est l'essentiel. Je vis au jour le jour dans l'espérance de mon retour vers mes trésors bien aimés et parents qui sont si bons pour moi. 
Embrasse bien pour moi cette chère maman ainsi qu'Edmond, d'avoir une si gentille petite nièce et filleule. Il me semble l'avoir vue cette petite chérie le jour de son baptême, enfin vivement, si cet heureux jour doit venir, qu'il me fasse voir notre bonheur.
Chère bien aimée, tranquillise-toi toujours bien pour moi : vis en bonne espérance ; nous sommes en repos pour une dizaine de jours, nous avons encore 5 jours à nous reposer et après nous reprenons le service comme auparavant : je crois que le lieutenant Pernet restera à la compagnie car on lui a envoyé un cheval comme Commandant de compagnie. L'on est bien plus heureux avec lui qu'avec le capitaine qu'on avait avant. Je ne vois plus d'autres choses à te dire, je termine ma lettre car je vais aller me reposer un moment.
Reçois ma chérie, ainsi que chère petite Marie, mes plus tendres amitiés, et soyez toutes deux bien embrassées comme je vous aime pour la vie.
Ton Léon
Encore mille bons baisers. 
Courage et patience dans l'avenir.

Certificat de baptême et de communion solennelle de Marie

19.12.14

19 décembre

Ballersdorf, le 19 décembre 1914, partant le 20

Ma chère Alice et petite Marie,

Je fais suite à ma carte que je t'ai adressée hier : c'est le courrier de Lons qui n'était pas arrivé, c'est pour cela que je n'avais pas reçu ta lettre mais aujourd'hui ça a changé car je viens d'en recevoir trois dont ta lettre, une d'Albert que j'attendais tant, et enfin cette carte de Salins que je joins à ma lettre pour que tu me la conserves en souvenir de cette campagne.
Ma chère bien aimée, tu crois comme bien d'autres épouses, ou parents, que nous sommes à plaindre. Non, ne le crois pas, tu sais bien que je t'ai toujours dit la vérité jusqu'à maintenant, je ne t'ai jamais caché quoi que ce soit, et je ne le ferai jamais à toi, ma chérie. Toute la vérité tu l'auras, car toi aussi tu ne me caches rien non plus, c'est bien ce qu'il faut pour nous deux époux qui s'aiment bien tendrement pour la vie, et que rien au monde ne nous séparera, ni même la guerre actuelle. Tu peux toujours te tranquilliser, j'ai foi en la bonté de Dieu et mon espérance ne sera pas trompée.
Chère Alice, tu me parles que tu vois les journaux que Mme Faillenet te porte, et tu y vois bien des choses concernant la guerre ; mais tout ce que tu y lis, tu crois que c'est la réalité ; mais détrompe-toi bien vite sur bien des choses que tu y a puisé, ne vas pas croire non plus que l'Italie se mettra du conflit européen au printemps car cette puissance ne sait pas comment faire, et aussi elle ne tient pas à la guerre. Elle était cependant l'alliée de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie, pourquoi donc n'a t'elle pas combattu aux côtés des deux autres puissances depuis le début des hostilités ? Voici pourquoi elle a vu qu'étant en guerre avec ses alliés, elle se ferait connaitre comme les boches et les Autrichiens de toutes les parties du monde, car il faut être barbare au dernier rang pour déchainer des guerres après être aussi civilisés comme nous le sommes. C'est cette Allemagne qui voulait la guerre, Guillaume ou le Kaiser l'orgueilleux, n'importe quel motif pour y arriver, il aurait voulu que ce soit nous qui commencions car tous les partis qui se trouvent au parlement se seraient séparés, et alors là, il aurait pu vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Aujourd'hui Guillaume II et François Joseph s'aperçoivent que leurs plans de campagne ont complètement échoués, et qu'ils seront vaincus, mais ils continuent encore quelques temps en aveuglant leurs peuples de victoires qu'ils n'ont pas remportées. Pourquoi se cachent-ils si bien les boches ? Parce qu'ils ne peuvent aller plus loin et ne peuvent rentrer chez eux après tant de victoires annoncées. Ça serait la honte le jour où ils seront rentrés dans leur pays et aussi la fin de la guerre. Etant encore sur notre territoire, ils ne pensent pas à la paix, ils se croient vainqueurs mais ils seront vaincus. Je ne crois pas aux journaux, j'en ai lu qui parlaient de l'Alsace, de notre avance qui mentionnait des faits qui n'étaient point arrivés, c'est pour cela qu'il ne faut pas y croire quand ils disent que la guerre sera longue. Elle est déjà bien de trop longue, mais moi à mon idée, quand la violette poussera, nous serons près de notre retour, si ce n'est déjà fait.
Enfin, tranquillise-toi bien ma chérie, l'heureux jour viendra où nous serons heureux encore plus qu'auparavant, car avec notre chère petite fille qu'il me tarde tant de connaitre, et qui nous fera oublier cette longue séparation.
J'ai reçu la lettre d'Albert [Griffon], il est toujours en bonne santé. Je vais lui répondre en lui disant que vous avez dû baptiser cette semaine, et qu'il est porté comme parrain. Il est aussi toujours au même lieu, enfin je suis bien content d'avoir de ses nouvelles car je ne savais que me penser, et lui me demande aussi de mes nouvelles, c'est pourquoi je vais lui écrire de suite pour le tranquilliser. Je suis bien content de savoir que tu vas m'envoyer les adresses des cousins de St Benoit, je suis également satisfait de savoir que tout va bien dans la famille. Nous allons toujours bien, aussi nous avons repos quelques jours car l'on va être vaccinés demain. J'ai repris mon service comme auparavant aujourd'hui, donc tu peux te tranquilliser pour ce motif là.
Embrasse-bien tous les parents pour moi, et bien le bonjour aussi à toutes les connaissances, et toi, ma petite femme chérie ainsi que ma petite Marie, soyez bien embrassées par celui qui vous aime et qui pense toujours à vous.

Léon


14.12.14

14 décembre

Ma chère bien aimée et petite Marie
Ayant un moment à moi par ce vilain temps, je fais suite à ma carte que je t'ai adressée hier, mais tranquillise-toi car aujourd'hui nous ne sommes pas à la pluie, je n'ai pas à me plaindre pour cela, je n'ai pas été encore mouillé. Voilà cependant 4 mois de campagne, et je ferai encore moyen de ne pas me laisser tremper. Nous avons des couvres-pieds et nous les mettons sur notre dos lorsque nous sommes aux avants-postes, puis lorsqu'ils seront mouillés, nous ferons de gros feux pour les faire sêcher. Nous avons également de grandes couvertures, mais nous les laisons au cantonnement, et lorsque nous avancerons, les voitures les transporteront, nous ne pouvons encore pas nous plaindre du froid lorsque nous sommes aux avants-postes. Nous ferons du feu car le bois ne manque pas en Alsace, et au cantonnement, c'est à dire au pays que nous sommes, nous couchons dans des chambres, et comme les planchers forment le plafond, nous avons la chaleur des pièces en dessous qui sont chauffées, surtout chez nous. 
Ici c'est une jeune famille qui a six enfants et le septième en route, car ça niche comme les lapins, alors le feu ne manque pas dans cette maison. Lorsque nous ne sommes pas trop fatigués, nous allons veiller le soir à la chambre et entendre pleurer les petits, ça m'habituera pour quand je serai rentré, mais je voudrai pas en avoir comme cette famille, et je pense que tu es de mon avis ma chère Alice. Enfin, lorsque je serai de retour, nous travaillerons pour le mieux.
Voici, ma bien aimée ce que sont les avants-postes. Figure-toi que l'ennemi se trouverait à La Chapelle, la ligne des avants-postes comporterait Onay- St Benoit : deux points principaux à garder à cause des chemins. Entre ces 2 chemins il y aurait un petit poste dans les champs : nous y ferons des tranchées ou en cas d'attaque, nous serons cachés de la vue de l'ennemi mais qui nous permettrait de le fusiller dès que nous l'apercevrons ; et en avant de ces tranchées, de grands réseaux de fil de fer barbelés de crainte qu'il vienne trop nombreux ; puis, en arrière des pays d'Onay et St Benoit, les gros des grands gardes qui viennent nous renforcer. Il y a aussi les postes d'écoute pour la nuit, avant les tranchées, ce qui permet d'avertir l'arrière par une bonne fusillade, puis nous nous sauvons vers les autres par un chemin fait pour cela, que l'ennemi ne puisse nous suivre. Nous ne craignons rien pour tout cela. C'est dans un de ces postes que j'ai fait le service en remplacement du caporal malade. Maintenant il va mieux et je serai bientôt à mon premier service. Ne te fais pas de mauvais sang, tout va bien, prend toujours bien patience de mon absence. L'heureux jour qui nous réunira approche. 1914 touche à sa fin et 1915 nous apporte la gloire, la victoire et le bonheur pour toutes les familles. J'aurai le plaisir de faire mon petit jardin et de promener notre cher ange par les beaux jours. 
Nous irons aussi le dimanche nous promener voir la maman et comme chez M. Perret ne sera pas là, nous en profiterons. J'espère que Mme Longchamp ne nous embetera pas, enfin pardonne-moi ce que je t'ai dit chère Alice, ne crois pas que je me gênais de te demander quelque chose, mais tu as assez à faire, car il ne faut pas que la maman qui a assez à faire pendant mon absence dis lui bien des choses pour moi à cette chère maman que je n'oublierai pas. 
Embrasse la bien pour moi ainsi que tous les parents et donne bien le bonjour aux amis et connaissance, et toi, ma petite femme chérie, soit aussi bien embrassée, ainsi que petite Marie, vous qui êtes mon plus grand bien sur cette terre. Reçois aussi mes sincères amitiés.
Au revoir. Courage. Patience.
Ton petit époux et petit papa.
Léon

10.12.14

10 décembre

Bien chère épouse et petite Marie,

Je m'empresse de faire réponse à ta grande lettre que j'ai reçue hier et qui m'a fait bien plaisir d'avoir de tes nouvelles, comme d'ailleurs toutes les lettres que je reçois de toi ma chérie. Tu ne peux savoir la joie que j'éprouve lorsque je lis tes chères lettres, il me semble que je suis un moment près de toi et que je te parle, mais prends patience ma bien aimée, le jour viendra où nous serons réunis et où je te donnerai ma tendresse ainsi qu'à ma chère petite fille, qu'il me tarde tant  de connaitre. Oh combien je veux être heureux lorsque je serai près de vous, comme je veux tous vous chérir après ces longs mois d'absence que je passe en Alsace. Enfin, tranquillisez-vous bien tous, quoique nous ne savons encore pas le bout de cette guerre, le temps travaille pour nous. Nous les vaincrons ces sales boches, et Guillaume descendra de son trône sanglant.Son peuple barbare sera cinglé par les armées des alliés ; ils ont voulu la guerre, on la leur fera et plus qu'ils ne voudront. La terre entière déteste cette puissance sanguinaire, il leur fallait une bonne saignée, mais c'est eux qu'il l'ont. Nos positions et notre tactique militaire sont des meilleures, et l'état moral de tous les soldats est excellent. Alors, tu peux croire que nous sommes bien soignés tandis qu'eux n'ont pas toujours assez à manger. Souvent il arrive des déserteurs ou d'autres qui se rendent, car la faim les tourmente. Nous, nous avons au delà, surtout moi qui ne suis pas un fort mangeur.
Je t'envoie la carte que Germaine m'a envoyée, pour que tu la conserves. Je l'ai déjà abimée, ce qui me fait de la peine. Donne bien des baisers à mon enfant chéri pour moi, et embrasse bien la maman, ainsi que tous les parents pour moi ; et toi, ma petite femme chérie, reçois de ton époux qui t'aime pour la vie, ses plus tendres amitiés, et soit bien fortement embrassée.

Ton époux et petit papa
Léon

8.12.14

8 décembre

Bien chère épouse et petite Marie,

Ayant un moment de disponible ce soir, je fais suite à ma carte d'hier et pour te dire que tout va bien maintenant, avec un temps pareil, s'il pouvait continuer comme cela deux mois, nous serions bien heureux ; enfin quoique cela nous ne sommes pas malheureux, la compagnie a bien changée depuis le départ du capitaine. Le lieutenant Pernet de Salins nous soigne bien, aujourd'hui nous avons eu du chocolat pour déjeuner et il nous change de viande, il achète un porc toutes les semaines pour la compagnie, et puis du vin nous en avons tous les jours, bien des fois un demi-litre, eau-de-vie et thé, pour aller aux avants-postes ; et sardines ou fromage aussi ; alors tu vois que nous sommes bien, mais quoique là j'aimerais être près de vous tous, je serais encore bien plus heureux. 
Je ne me décourage pas non plus, cet heureux jour approche où nous serons les plus heureux sur cette terre, après une pareille séparation. Je n'ai pas le temps de bien m'ennuyer car voilà quelques temps que je remplace le caporal de mon escouade qui est tombé malade. Je fais tout mon possible pour bien faire car je suis un peu novice de ce côté là, enfin ce n'est peut-être pas pour longtemps, il me tarde qu'il rentre pour être débarrassé de cette affaire là.
Chère Alice, j'ai reçu une jolie carte de Germaine aujourd'hui, aussi je lui écrit en même temps qu'à toi pour bien la remercier car elle m'a fait grand plaisir. Je t'enverrai la carte la prochaine fois que je t'écrirai pour que tu la conserves, tu veux la trouver jolie ; si le temps le permet et que tu ailles baptiser à Salins, tu donneras bien le bonjour à notre curé en attendant de le revoir. 
Tu me diras aussi ce que font les cousins de St Benoit, si tu as leur adresse tu me la donneras, que je leur envoie deux mots car je les aimais bien, quoique je n'ai vu Alfred qu'une fois, je l'ai trouvé bien gentil, il a du en voir lui étant de l'active, ils ont eu bien plus de travail que nous quoique voilà quelques temps où nous avons bien travaillé ici aussi. 
Dis bien des choses pour moi à la maman et embrasse la bien pour moi car je pense bien souvent à elle, et aussi petite Marie, comment vient-elle ? Edmond ne veut surement pas que nous l'emmenions à Salins car il doit bien l'aimer aussi. Nous la laisserons à la maman quand il sera soldat, elle sera forte, elle tiendra compagnie ; et puis nous deux, d'ici là, nous aurons travaillé pour d'autres. 
Chère bien aimée, tu donneras bien le bonjour à tous les parents pour moi, et dis leur aussi bien des choses de ma part. J'oubliais de te dire que le gouvernement français nous a remboursé les effets chauds que tu m'as envoyé. J'ai touché 6,40 francs pour mon compte, et hier j'ai touché une bonne ceinture de flanelle et une paire de gants. J'ai bien du linge maintenant, quant aux chemises j'en ai deux, c'est assez surtout que le sac devient lourd avec tout cela, mais nous le portons bien quand même. Je termine ma bien aimée en t'envoyant mes plus douces amitiés et en t'embrassant bien fort, ainsi que ma chère enfant. Mille bons baisers et au revoir.
Léon

5.12.14

5 décembre

Chère Alice et petite Marie,
Je m'empresse de faire réponse à ta lettre du 1er décembre qui m'a causé tant de joie et de bonheur, et aussi qui me fait voir combien l'amitié que tu as pour moi est grande. Je pouvais me passer d'argent, car toi aussi tu en a besoin avec notre chère ange. Nous sommes bien nourris, nous avons maintenant comme capitaine et par interim le lieutenant Pernet de Salins qui est passé adjoint au colonel. C'est le fils de M. Louis Pernet, marchand de bois pour construction. S'il peut être promu à notre compagnie capitaine, nous serons bien content, quoiqu'il n'a pas plus de partialité pour nous que pour d'autres, mais nous aimons mieux être tous des pays ensemble.
J'ai bien reçu ton petit colis aussi qui m'a fait bien plaisir. Ne te prive pas non plus pour qu'à mon retour je retrouve les êtres qui me sont si chers en bonne santé. Viens bien en aide aussi à la maman qui a si soin de toi, car si tu étais seule, je ne vivrais déjà plus, je me serais trop fait de mauvais sang. Enfin tranquillise-toi bien pour moi car je suis en bonne santé et je désire que ma carte vous trouve tous aussi en bonne santé. J'ai reçu cette semaine une carte de Germaine, une d'Albert et aussi de Salins. Ils ne me parlent pas de ma dernière carte, ils sont allés me faire inscrire à la mairie car il avait annoncé à Salins de nous faire inscrire tous les hommes mobilisés, je ne sais pas pourquoi. Bertha est à l'hôpital mais elle va bien maintenant.
Donne bien le bonjour et embrasse bien pour moi tous les parents, et couvre aussi de baisers petite Marie pour moi en attendant que je puisse le faire moi-même. Merci bien des fois ma tendre épouse, ce que tu fais pour moi, moi je fais tout mon devoir. Reçois ma bien aimée mes plus tendres amitiés, et soi bien embrassée ainsi que petite Marie.
Ton petit mari
Léon.

3.12.14

3 Décembre

Bien chère épouse et petite Marie,

Je m'empresse de faire réponse à ta lettre du 29 dernier, qui m'a fait bien plaisir de recevoir de tes nouvelles et de savoir que vous alliez tous bien. Moi de mon côté, tout va pour le mieux et je désire qu'il en soit toujours ainsi jusqu'à mon retour si désiré de vous. Espérons que cela soit vite ici car je trouve le temps toujours bien long. Quelle fête je veux faire à vous tous lorsque je serai parmi vous ! Enfin, prenez bien patience comme moi même et tout ira bien.
Ma chère Alice, voici à seule fin de te tranquilliser ce que sont les avants-postes : ce n'est pas comme tu croyais, c'est une barrière que nous formons pour arrêter la marche des boches en avant ou contre toute surprise. Nous sommes des fois à la lisière des bois ou près des pays, et encore des fois dans des tranchées ; mais tranquillise-toi, nous avons des abris où nous pouvons faire du feu en attendant que l'ennemi vienne nous voir, mais il n'est pas bien mauvais car mardi des hommes de ma section sont allés fraterniser avec eux ; mais cela n'a pas duré car ils sont délogés par notre artillerie. Enfin tranquillise-toi sur tout, nous ne craignons rien de leur côté.
Chère bien aimée, tu me dis que tu a reçu ton certificat d'allocation pour toucher ton argent. J'en suis bien content, tu n'auras pas eu la peine d'envoyer la lettre que je t'ai transmise pour le député M. Dumont. Tu auras pour te satisfaire un peu pendant ma présence sous les drapeaux et ça viendra en aide aussi à la maman qui a si soin de toi. Il te faut faire encore une demande si tu veux pour petite Marie, ça serait toujours 0,5 francs de plus, tu en parleras à M. Buffard. 
J'ai reçu une carte d'Albert en même temps que ta lettre, et aussi une carte de Germaine. Albert me dit que ça va assez bien et qu'il a appris la naissance de notre petite chérie par ta lettre. Il accepte bien d'être parrain mais il ne sait pas lorsqu'il rentrera car lui il est jeune et pourrait bien rester encore quelques temps après la guerre pour occuper les pays ou places que l'on nous cèdera. Je suis heureux aussi de la carte que j'ai reçu de Germaine car elle me dit que Dimanche, elle a tenue petite Marie et qu'elle est très gentille et jolie. Aussi elle est bien contente de cette petite fille. Je suis bien content aussi de savoir que tu a bien du lait pour nourrir petite Marie. Elle n'en sera que mieux portante et plus forte.

Embrasse bien cette petite chérie pour en attendant qu'elle reçoive mes tendresses paternelles. Embrasse bien la maman et tous les parents pour moi et aussi bien le bonjour, et toi ma chère petite maman et petite Marie, recevez les tendresses et amitiés sincères d'un époux et d'un petit papa qui vous aime pour la vie et qui pense toujours à vous.
Soyez bien embrassées. Au revoir. Courage et patience.
Ton Léon chéri.

29.11.14

29 novembre

Bien chère épouse adorée et chère petite Marie,

Ayant un moment de disponible, je viens parler un moment avec toi ma chérie pour me désennuyer car je commence à bien trouver longue cette campagne, mais il faut espérer que la bonne moitié est faite maintenant, car voilà bientôt quatre mois que je t'ai quitté.
C'est bien dur pour nous deux d'être séparés comme l'on s'aimait surtout ; enfin ce que je puis t'avouer c'est que lorsque je rentrerai, je trouverai les trésors qui me sont si chers et à qui je pense toujours. 
Oh ma chère bien aimée, quelle joie pour nous tous lorsque vous serez rendue à ma tendresse, quel bonheur pour moi ce jour là, je ne languirai plus, je revivrai comme les fleurs qui reviennent au gentil printemps. Oh oui ma chère petite maman, tu peux être certaine qu'une fois rentré, je ne te quitterai plus jamais pour de pareils faits, je resterai toujours bien gentillement auprès de toi ma chère épouse adorée, à te contempler et à bercer dans mes bras ma chère petite Marie que je ne connais encore pas, et que j'aime cependant bien aussi quand j'y pense. 
Il me semble que je suis déjà près de vous et que je vous chéri, je suis bien près de vous par la pensée et par le coeur mais ce n'est encore pas la présence réelle. Quand je jette un regard en arrière, il y a un an, j'ai le coeur bien gros. Tous les dimanches j'étais près de toi ma bien aimée et aujourd'hui j'en suis éloigné. Lorsque tu recevras cette lettre, chérie, nous serons proche de l'anniversaire du 7 décembre où tu es venue avec la maman voir ton nouveau logis. Nous étions si heureux car nous avions déjà fixé le jour de notre belle union. Les beaux jours que c'était, et aujourd'hui je suis éloigné de toi et de chère petite fille. Tu es mère et tu n'as pas ton époux, ni le père de notre chère enfant, mais reconsoles toi bien vite ma petite femme chérie, ton époux bien aimé à qui tu penses bien souvent aussi, vit en très bonne santé, il ne souffre que de votre absence mais il reviendra plein d'allégresse et de gloire ; et sera fier de retrouver ceux qu'il a laissé pour faire son devoir envers sa patrie, terre Française si bien défendue par nos ancêtres et par ses fils d'aujourd'hui.

Chère Alice, petite Marie a un mois d'existence aujourd'hui, il me semble qu'elle doit être forte. Comme je pense si elle a trois mois à mon retour, elle ne veut pas vouloir se laisser approcher de son petit papa vu qu'elle n'aura pas l'habitude de me voir, mais elle s'y fera bien vite. Enfin prenons bien patience tous les deux, l'heureux jour qui nous réunira approche. 1914 va bientôt s'éteindre avec des gloires et 1915 nous apportera la paix avec le retour dans nos foyers.
Chère petite maman, dis bien des choses de ma part à la chère maman. embrasse la bien pour moi en attendant que je sois de retour pour lui rendre les bienfaits que tu reçois en ce moment. N'oublie pas également Germaine et Edmond ainsi que tous les parents et donnes bien le bonjour aussi aux amis et connaissances. Tu me diras à ta prochaine lettre si vous avez reçu cette petite médaille que j'ai envoyé pour petite Marie et si elle vous convient. C'est peu de choses mais c'est un grand trésor qu'il me semble que j'ai fait à ma chère enfant.
Reçois ma chère bien aimée ainsi que petite Marie mes amitiés les plus sincères et soyez bien tendrement embrassées comme je vous aime du plus profond de mon coeur.
Au revoir et courage
Ton époux. Léon

 La France et l'Allemagne en 1914 - Le 244ème RI est cantonné à l'est de Belfort vers Altkirch
Source : www.cartesfrance.fr

27.11.14

27 novembre

Chère épouse bien aimée et petite Marie,

Ayant un moment à moi, je m'empresse de faire réponse à ta lettre du 22 courant que j'ai reçue mercredi soir, mais je n'ai pu te répondre qu'aujourd'hui. J'ai été bien peiné d'apprendre que la médaille que je t'avais envoyée pour ma petite Marie avait été volée en cours de route. J'avais justement mis la plus jolie, tout cela ne portera pas bonheur à ces vandales. Je t'en rejoins une à ma lettre mais j'ai pris mes dispositions comme tu le verras, pour que pareille chose ne se reproduise pas. Tu mailleras le petit anneau pour le replacer après la médaille et tu feras le sens contraire pour le refermer. Tu ne feras pas trop serré au cou pour ne pas gêner, je serai bien heureux d'apprendre, quand tu l'auras reçue, que ma chère petite fille aura un souvenir de son petit papa. Ca lui portera bonheur aussi qu'à moi, sans non plus t'oublier ma petite maman et tous les parents. Puisque je ne puis connaitre cette chère enfant en ce moment, ça me fera plaisir de penser que j'ai fait un petit envoi qui est d'une grande valeur.
Chère Alice, comme ta lettre du 22 courant s'est croisée avec la mienne, au sujet du baptême de notre chérie, je te laisse ce devoir étant mère de prendre la décision qu'il te plaira. Sur ta lettre du 19, tu es bien ennuyée pour ce devoir et je t'ai répondu de m'attendre; puis sur ta dernière lettre du 22, tu me dis que tu feras baptiser mais que tu ne feras pas de repas sans moi, que ça te ferait trop mal au coeur de ne pas me sentir auprès de vous. Je le comprends bien ma chérie, moi aussi ça me tourmente assez de ne pas être auprès de vous, mais je prends patience car l'avenir nous apparait radieux. 
Enfin, je te laisse libre selon ta conscience puisque ton époux le chef de famille est absent pour une noble cause, ou chose sacrée pour la patrie : c'est à toi ma chérie qu'incombe la tache de me remplacer pendant mon absence, qui je l'espère, ne durera encore pas très longtemps car les nouvelles sont des meilleures sur tous les points. La fin de l'année marquera la décadence de l'Allemagne et fin de janvier ou les premiers de février pourraient bien nous ouvrir la route pour notre retour. Enfin prends patience ma chérie, mon retour n'en sera que meilleur et plus joyeux.
Chère Alice, j'ai reçu une lettre de la marraine qui me dit que tout va bien chez elle mais que voilà quelques temps qu'elle n'a pas reçu de nouvelles d'Albert, mais moi j'en ai eu et je lui dit de se tranquilliser pour lui, que tout va pour le mieux. Elle m'envoie 5 francs qui me font bien plaisir car je n'en avait presque plus, ça m'aidera pendant quelques jours, aussi je l'ai bien remerciée.
Il ne fait plus aussi froid qu'il y a quelques jours mais nous avons déjà eu une petite couche de neige mais ce n'est rien. Je termine ma lettre car je vais reprendre le service.
Embrasse bien ma petite pour moi ainsi que tous les parents, et toi ma tendre épouse adorée, reçois mes meilleures amitiés et soit aussi fortement embrassée aussi que ma petite chérie.
Au revoir et courage. 
Ton Léon

25.11.14

25 novembre

Bien chère épouse et petite Marie,
je fais réponse à ta lettre du 18 que je viens de recevoir et qui me cause tant de joie lorsque je reçois tes missives. Pour quant au baptême de notre chérie, tu m'attendras comme cela et il n'y aura pas de difficultés avec le curé de La Chapelle ; mais prends toutes tes précautions pour la vie de cette petite car la vie de ces petits êtres est si fragile que je ne voudrais pas avoir quelque chose sur la conscience sur ce motif là. Enfin, j'ai toujours eu foi en toi et je ne te recommande plus à ce sujet. D'après ta lettre, je suis bien content que tu sois bien rétablie et que petite Marie cherche à grandir. Où est ce jour où je la bercerai dans mes bras en la couvrant de baisers ainsi que toi ma chérie. 
Enfin prends patience, va mon trésor, ce jour vient, il est peut-être bien proche, nous ne pouvons trop en savoir mais ce qu'il y a de certain, c'est que nous serons victorieux. 
Chère bien aimée tu me parles si j'ai besoin encore de chaussettes : j'en aurai encore une paire en laine ça ne me gênerait pas car il ne fait pas chaud ici maintenant. Nous ne souffrons tout de même pas trop, pour quant à de l'argent, je n'ose pas t'en demander car tu eu en as plus besoin que moi. Je préfère me priver de tout que de dire qu'il te manque quelque chose. Je ne lave plus pour les camarades car l'on ne peut plus faire sécher qu'auprès du feu. 
Cette deuxième lettre que voici si tu n'as encore rien reçu, tu y mettras la date, tu l'affranchiras et tu la fera partir, il faudra bien que tu reçoives satisfaction. N'en parles toujours pas à chez l'oncle, tu verras que si cet homme là y met la main, tu toucheras bien ma chérie.
Chère Alice, dis bien des choses de ma part à la maman car je suis bien content de voir qu'elle aime tant cette petite fille ainsi que Germaine et Edmond. J'ai reçu une lettre d'Albert lundi. Il va très bien, il n'a pas trop chaud non plus mais il prend courage, aussi il est très content de notre petite fille puisqu'il sera le parrain. Je termine car il est l'heure de partir.
Reçois ma tendre épouse et petite Marie mes amitiés les plus sincères, et soyez bien tendrement embrassées toutes les deux.

Léon

19.11.14

19 Novembre

Bien chère Alice et petite Marie
Je m'empresse de faire réponse à ta lettre du 15 courant que j'ai reçue hier étant encore en dehors du cantonnement. Je suis bien content de savoir que tu es bien remise, que la santé va bien et que petite Marie vient bien aussi. Tu me dis qu'elle te fait enrager, c'est bien tous les petits qui sont de même les premiers mois. Prends patience ma chérie, je voudrais bien être auprès de toi pour la tenir quelques fois, mais je ne désespère point de cela. 
Cet heureux jour viendra, je ne sais encore lequel mais j'espère aussi que ce sera plus tôt que nous croyons. 
Les nouvelles sont favorables pour nous : nous progressons sensiblement sur la ligne de combat des Vosges au Nord en leur infligeant des pertes assez sérieuses. Du côté des Russes, la situation est très bonne, les Russes sont toujours victorieux, ils écrasent les boches et les Autrichiens, et rien n'arrête leur marche sur Berlin et sur Vienne. De notre côté, en Alsace, nous en sommes toujours à la même chose : voilà 50 jours que nous sommes dans le même patelin en Haute Alsace. Je ne t'avais encore pas parlé que nous étions défense mobile de Belfort, ça nous était défendu - et encore maintenant - de donner des renseignements mais je t'en parle quand même sachant que tu te réserves de le rapporter. Comme service des avants-postes l'on s'en appuie assez, mais comme combat je n'en ai encore pas beaucoup vu, et je crois qu'il en sera toujours ainsi. 
La démoralisation se prononce dure dans l'armée allemande : une belle chose pour nous autres ; et leur force n'est plus si considérable qu'il y a quelques temps. Le succès s'affirme de plus en plus et la victoire est certaine pour nous et les alliés, donc prenez tous bien patience et le reste ne sera rien, encore quelque temps et tout sera fini.

Chère Alice bien aimée, j'ai reçu une lettre de Salins hier, et comme il m'avait joint une carte, je leur ai répondu. Je leur dit que tout va bien dans ma petite famille, que tu es bien remise et que petite Marie vient bien aussi. Ils me disent aussi que tu leur a fait réponse sans leur donner d'adresse, et que tu leur dis qu'il ne faut pas qu'il s'occupe de toi. Il me demande pourquoi car ils ne t'ont pas fait de mal. Alors ma chérie, voici ce que je leur ai répondu : 
"Pour quant à Alice dont vous me parlez de sa réponse, je comprends bien le motif et vous ne l'ignorez pas non plus, la grand mère a du vous en parler : nous n'avons pas demandé d'assister au baptème de Simone mais il ne fallait pas tant le cacher, nous avions fait venir la grand mère manger avec nous le samedi car nous allions à Onay le Dimanche ; donc vous ne deviez rien craindre que l'on aille vous voir ce jour là, et chose bizarre, Alice en parlait à la grand mère qui a bien su le cacher. Je suis allé à Pont d'Héry huit jours après : Albert a dit que vous nous aviez invité : voilà tout le motif, moi j'en suis bien été de même qu'Alice, enfin espérons que cela se passera avec le temps mais je ne veux pas blâmer mon épouse pour cela, j'aurais bien tort." 
Tu penses ma chérie qu'après pareille réponse, ils ne veulent plus m'écrire mais ça m'est bien égal, je ne leur dois rien moi. 
Chère petite maman, j'ai reçu aujourd'hui une carte de Germaine qui m'a bien fait plaisir car elle me donne de tes nouvelles ainsi que de petite Marie. Pour quant à Albert, je n'ai toujours rien reçu de lui. S'il ne me fait pas réponse, je ne lui écrit pas. 
Il fait déjà froid ici, nous voyons la neige sur les cimes des Vosges. Tranquillise-toi toujours bien pour moi car je prends toutes les précautions contre le froid et aussi pour ma santé. Embrasse bien la maman et tous les parents pour moi et aussi bien le bonjour aux connaissances ; et vous mes deux trésors en ce monde, soyez bien embrassées comme je vous aime par votre époux et petit papa qui pense toujours à vous. 

Au revoir et courage. Au jour de bonheur que nous attendons.
Léon

17.11.14

17 novembre

Bien chère épouse et petite Marie,

Comme je vais m'absenter ce soir du cantonnement, je m'empresse de t'envoyer ces deux lignes pour te tranquilliser, car je pense bien que si tu ne recevais pas de mes nouvelles régulièrement, tu serais dans l'insouciance comme je le suis d'ailleurs moi-même lorsque j'attends de tes nouvelles. Tranquillise-toi bien, pour moi la santé est très bonne et je pense que la campagne se terminera bien. Dans le civil, j'ai l'habitude d'être dehors par tous les temps, alors je ne me fais guère de l'être ici, donc par conséquent, tu vois que je ne crains rien. Aussi j'ai toujours bien soin de ma santé, et je te recommande aussi tous les soins possibles pour ta santé, et pour ma petite Marie, toutes deux qui m'êtes si chères et dont je ne cesse de penser à vous. 
Chère bien aimée, prends toujours bien patience, le jour approche qui nous rendra tous si heureux de se revoir et de toujours bien s'aimer. Que fait et que dit la maman ? Embrasse la bien pour moi sans oublier Germaine et Edmond, ainsi que tous les parents.
Chère petite maman, embrasse bien petite Marie pour moi, cette enfant qu'il me tarde tant de voir et de vous chérir toutes les deux comme je vous aime.
Mille bons baisers. Au revoir et courage.
Léon

11.11.14

Journal des opération du 244ème le 11 novembre




Journal des marches et opérations du 244ème RI






Alice, le 11 novembre

Onay, le 11 novembre

Bien cher époux, et petit papa,

Pendant que notre chère fille dort, je viens parler un moment avec toi en répondant à ta lettre que je viens de recevoir du 7 courant et qui m'a bien fait plaisir ; comme d'ailleurs toutes les correspondances que je reçois de toi mon cher bien aimé. Je suis contente aussi de savoir que tu es toujours en bonne santé. Puisse Dieu toujours te la conserver bonne, et te ramener bien vite auprès des êtres qui te chérissent et qui leur tardent tant de te revoir. 
 Mon cher Léon, tu me dis d'embrasser petite Marie pour toi : je ne cesse de l'embrasser en lui parlant de son cher papa. Je lui dis déjà qu'il faudra bien t'aimer car tu es si gentil que nous pourrons jamais assez t'aimer. 
Oh mon chéri, le jour même de sa naissance, j'ai dit à la maman de lui donner à embrasser ton cher portrait qui est suspendu près du lit, et comme la sage-femme m'avait fait retourner dans le lit, c'est à dire mettre la tête au pied, j'étais juste en face de toi. Je te regardais et j'aurais tant voulu que tu sois près de moi, mais si je ne t'ai pas eu.
Dieu a permis que tout aille pour le mieux. Il faut se contenter de cela pour le moment en attendant le grand plaisir de te revoir. Et maintenant que je me lève un peu chaque jour, je veux lui donner à embrasser son cher papa pour qu'elle te connaisse déjà quand tu reviendras. 
Tu me demandes aussi mon chéri si petite Marie a bonne envie de venir et grandir : tu peux être sûr que oui pour le moment, et j'espère bien qu'il en sera toujours ainsi. Si tu savais comme on s'attarde à ces chers petit êtres, il faut être maman pour pouvoir le comprendre et surtout quand c'est le fruit d'un amour comme le nôtre.
Cher Léon, tu me dis aussi qu'il faut t'envoyer tes lettres par Lons car elles mettent moins de temps. Je vais toutes te les renvoyer par là bas, seulement je t'ai envoyé ces mauvaises chaussettes en attendant mieux, ainsi que deux lettres par Belfort. Je ne sais si tu les a déjà reçues. Pour les lettres, il n'y aurait pas grand mal, mais je ne voudrais quand même pas que ces chaussettes soient perdues, donc quand tu recevras ma lettre, tu me feras savoir deux mots pour me dire si tu les as reçues.
Cher Léon, je viens terminer ma lettre car voilà un grand moment qu'il m'a fallu m'arrêter d'écrire pour donner à manger à petite Marie.
J'ai assez de lait pour maintenant car à mesure qu'elle tète d'un côté, l'autre coule tout seul. Je vais pour le mieux mais je ne fait encore presque rien que de garder ma chère petite fille.
Reçois cher bien aimé, les meilleures amitiés de tous mes parents, sans oublier la maman  qui aime bien notre petite Marie, et sois bien embrassé par tes deux petites chéries qui t'aiment bien tendrement pour la vie.

Encore mille bons baisers.
Prend courage mon trésor. espérons en des jours meilleurs où nous serons si heureux avec ce cher petit ange.

Ta petite femme. 
Alice

10.11.14

10 novembre - St Léon

Bien chère épouse et petite Marie,
je viens de recevoir une lettre de ma marraine me donnant l'adresse d'Albert et je lui ai écrit en même temps que toi. Elle me dit qu'il se porte toujours bien et que l'on peut compter sur lui pour être parrain si la providence le permet, ce sera peut être bien long d'attendre son retour pour baptiser. Je vous laisse libre de ce que vous ferez, faites pour le mieux. Vous pourriez, si vous faites baptiser avant d'attendre trop longtemps, prendre quelqu'un pour le remplacer, et vous le feriez porter comme parrain et remplacer soit par Edmond ou Marcel. Enfin, entends-toi avec la maman et Germaine, ce sera toujours fait pour ma chère petite maman. La marraine est à Pont d'Héry pour quelques jours, c'est depuis là qu'elle m'a écrit : elle est allée pour faire la lessive, elle va retourner à Ivory car elle me dit de toujours lui adresser mes lettres là bas.
Chère Alice, je pense que tu remontes bien et je désires que ma carte te trouve en bonne santé comme elle me quitte. Que fait petite Marie ? je l'ai vue en rêve cette nuit sur tes bras, j'allais heureux mais à mon réveil, plus rien, je n'étais près de vous que par mon coeur et ma pensée qui sont toujours à vous. Enfin prends toujours bien patience ma bien aimée, les jours sont courts et le temps passe bien vite quoique je le trouve encore assez grand. L'avenir nous apparait encore plus souriant que par le passé, l'horizon ne sera plus obscur de ces nuages barbares des boches.
Je vous embrasse tous bien fort ainsi que ma petite Marie que tu embrasse bien pour moi.
Au revoir

Ton petit mari et papa
Léon

7.11.14

7 novembre

Chère Alice et petite Marie,
Ayant un moment à moi, je m'empresse de t'écrire ces quelques lignes pour parler un peu avec toi ma chérie, car ma pensée est constamment à toi et à petite Marie, cette chère enfant qui est tout notre bonheur, que je ne connais encore pas, mais que j'aime bien quand même. 
Chère petite maman, tu vas me faire une grande surprise et aussi une grande joie lorsque je rentrerai et que tu me présenteras cette chère petite fille. Quand j'y pense, j'en pleure de bonheur. Oh qu'il sera beau ce rêve que je finirai près de vous tous, quand je vous serrerai dans mes bras après ces longs mois d'absence que je passe sur cette terre annexée mais qui redeviendra bientôt aussi l'antique Alsace Française. Ce jour vient et je crois qu'il n'est pas loin, où tous les coeurs de Français et Françaises battront ensemble en voyant le glaive germanique se briser à tout jamais et l'aurore de paix européenne qui va être créée par les puissances alliées, qui vont supprimer ce fléau de guerre et mettre cette maudite Allemagne au plus bas rang des barbares que l'on ne puisse citer en ce monde. 
Oui ma bien aimée, cette guerre qui touche presque toute l'Europe sera une guerre civilisatrice, nous pourrons avoir des fils, nous ne craindrons pas après cela que nous reprendrons encore les armes pour repousser encore l'envahisseur, car le trône d'Allemagne sera je l'espère, tombé à tout jamais ; et l'europe entière empêchera cette nation de s'armer à outrance comme elle l'a fait jusqu'à présent, et puis elle va être bien enchaînée. 
Alors prenez tous patience encore quelques semaines, et ce voile de tristesse sera consumé. La France et les autres puissances alliées seront victorieuses par les bras de leurs fils qui auront combattus pour leur patrie.
Chère Alice, il faut que je te dise qu'il est encore arrivé d'autres Salinois au 244ème. Nous sommes une belle bande, il fait toujours bon d'être avec des connaissances, ça fait trouver le temps un peu moins long. Quand nous rentrerons dans nos familles, ce sera des heures heureuses pour nous tous, l'on s'en réjouit déjà. 
Quand tu me récriras, ma petite maman, tu me diras si ma petite Marie cherche bien à grandir. Je demande à Dieu qu'elle vienne et grandisse avec gentillesse, pour sa maman et son petit papa. Oh embrasse bien pour moi ce trésor, et quand je serai de retour moi aussi, je la couvrirai de baisers paternels ainsi que toi mon Alice adorée.
Je viens de recevoir une lettre de Germaine ce matin. Elle m'a bien fait plaisir carr elle me dit que tu vas bien ainsi que petite Marie qui se fait bien comprendre pour avoir à manger. Elle me dit aussi qu'elle est forte et que la maman va souvent l'embrasser. 
Je la plains cette pauvre maman lorsque nous serons rentrés à Salins car elle va beaucoup s'ennuyer de cette chère enfant. Enfin les beaux dimanches nous irons les passer à Onay, moi j'irai tout au matin pour travailler pour la maman car je veux lui être reconnaissant. Je ne veux pas l'oublier car elle aura bien fait pour nous. Embrasse la bien cette chère maman, et dis lui bien des choses de ma part, sans oublier les parents, et bien le bonjour de ma part aux connaissances. 
Lorsque tu me feras réponse, tu m'adresseras les lettres par Lons-Le-Saunier. Je croyais bien faire par Belfort mais elle mettent plus de temps que par Lons. Ainsi la lettre que j'ai reçue d'Edmond à mis cinq jours et celle de Germaine 3 jours, donc fais les toutes passer par Lons-Le-Saunier.

Reçois ma bien aimée et petite Marie, mes plus tendres amitiés et soyez bien embrassées comme je vous aime du plus profond de mon coeur qui ne vit que pour vous.
Patience et courage pour le grand bonheur.
Ton petit mari et petit papa.
Encore mille bons baisers.
Léon



un an auparavant

Salins, le 7 novembre 1913

Ma chère Alice
Je m'empresse de faire réponse à votre lettre que j'ai reçue ce matin pour vous tranquilliser. Je ne suis nullement malade : si nous n'avons pu nous voir hier, c'est que le travail ne me l'a point permis. Cependant moi-même je vous ai aperçue, mais hélas trop tard, je venais de rentrer la machine à la remise quand vous êtes descendue. J'entre à l'atelier et je ne sais quel est le destin qui m'a permis de jeter les yeux sur la route juste au moment où vous passiez, je suis sorti de suite mais vous aviez de l'avance sur moi, et la présence de deux ouvriers m'ont empêché de vous rappeler ; et puis aussi j'attendais des ordres pour l'après-midi, sans quoi je vous aurais suivi et j'aurais pu vous parler. Vous pouvez croire que j'ai été triste de cela s'il n'avait pas fait mauvais temps, je voulais aller à Onay hier au soir. Enfin nous sommes proche de dimanche, nous nous reverrons bientôt et l'on pourra mieux se parler que sur une lettre.

Chère Alice, vous me dites que vous êtes triste et qu'une semaine est bien longue sans se voir, mais prenez courage, nous approchons tous les jours de l'heureux jour qui nous unira pour la vie, car moi aussi soyez bien certaine que si je ne vous ai point pour épouse, Salins ne me verrait point longtemps encore. Je vous aime et je ne veux d'autre que vous pour femme. 

Je termine car il est l'heure de retourner au travail. Je vous écris pendant le repos de midi.
Bien le bonjour de ma part à tous vos chers parents, et vous ma chère Alice, recevez mes plus tendres amitiés.

Celui qui vous aime tendrement pour la vie.
Léon

4.11.14

4 nov 13 - 4 nov 14

4 nov 1914
Bien chère Alice et petite Marie,

Je m'empresse de te faire parvenir ces deux lignes pour te tranquilliser, car je pense bien que dans ce lit où tu es convalescente, tu es toujours dans l'attente de mes nouvelles ; c'est pourquoi je t'écris un peu plus souvent pour te distraire car je vois bien que tu es beaucoup tourmentée de moi, ce qui a précipité la naissance de cette chère petite fille qui fera notre bonheur, et qui enserrera encore plus les liens de notre grande amitié que nous avons. Prends toujours bien courage ma bien aimée et petite maman. Le jour approche où nous serons tous réunis en famille et où l'on passera encore d'agréables moments. Lorsque tu récriras, tu me diras comment se porte et vient bien cette petite Marie. Ah oui, ma chère Alice, il me tarde de rentrer pour te serrer encore dans mes bras et t'embrasser fortement ainsi que cette chère enfant, et tous les parents, donne leur bien le bonjour de ma part, et bien des choses aussi sans oublier la maman que je n'oublie pas et que je lui serai reconnaissant à cette chère mère toujours bien patiente. 
Au revoir et courage ma bien aiméeet petite Marie. 
Ton époux et petit papa. Mille bons baisers .
Léon



Salins, le 4 nov 1913
Ma chère Alice
Je ne puis attendre à Dimanche de vous envoyer ces quelques lignes, car je pense bien que vous êtes comme comme moi, que vous devez vous ennuyer aussi. Vous ne pouvez savoir ce que je suis triste, surtout le soir lorsque je rentre chez moi. Ma pensée est souvent à vous mais encore plus en ce moment là, que je vais être heureux lorsque vous serez mon épouse, oh que chaque fois que je rentrerai, je trouverai notre intérieur propre et rangé et surtout vous qui m'attendrez car je puis vous dire aussi que j'en ai assez de cette vie de solitaire. Depuis que je vous parle, j'attends la fin de l'année avec impatience mais enfin je ne me décourage point quoique je trouve le temps bien long.
Chère Alice, j'écris à ma tante en même temps qu'à vous, pour lui demander quand elle pourra venir à seule fin que je puisse vous recevoir ainsi que vos parents. Je lui dit notre entrée en conversations, puis nos amitiés et notre prochain mariage au mois de janvier. Je ne lui avais encore parlé de rien, ainsi qu'à tous mes parents, ce qu'il vont être surpris quand ils le sauront. J'irai dimanche, qu'il fasse bon ou mauvais temps, s'il fait bon, j'irai comme d'habitude , vous viendrez à ma rencontre, et aussitôt arrivés chez vous, nous irons chez vos parents pour que je fasse connaissance avec eux. Peut-être qu'ils doivent être mécontents de moi den e pas être allé les voir dimanche dernier, excusez moi bien auprès d'eux.
Je termine pour vite porter ma lettre à la gare pour que vous puissiez me lire demain.
Embrassez bien tous vos parents pour moi, et vous, ma chère ALice
 recevez mes plus tendres amitiés.

Votre futur petit mari qui vous aime pour la vie
Léon

2.11.14

2 Novembre

Bien chère Alice et petite Marie,
Je m'empresse de faire réponse à la lettre portant ta signature et m'annonçant la naissance de ce cher enfant dont ça me fait bien plaisir ; mais néanmoins je serai inquiet jusqu'à ce que je reçoive des nouvelles de ta main même. Je ne sais comme je suis maintenant d'après cet évènement, tu peux croire ma chère petite femme et petite maman qu'il me tarde de rentrer pour te revoir, ainsi que cette charmante petite fille qui va faire tout notre bonheur. Oh ma chérie, que c'est dur pour moi de n'avoir pas été présent à tes côtés pour ce jour là. Enfin tranquillise-toi toujours bien, après de mauvais jours, les bons reviennent. Nous aurons encore le bonheur de bien s'aimer et de se chérir. Je n'ai pas bien le temps de beaucoup t'écrire en ce moment, mais prends patience, une longue lettre va suivre.
Embrasse bien pour moi cette petite Marie, ainsi que les parents,
et toi je t'embrasse bien des fois.

Ton petit mari qui t'aime bien tendrement pour la vie. 
Léon
Au revoir et courage

30.10.14

Albert

Saint Dié, le 30 octobre 1911
Bien cher cousin
je fais réponse à ta lettre qui m'a fait bien plaisir de recevoir de tes nouvelles. Je te dirai que ça va toujours bien pour le moment. J'espère que ç'en est de même pour toi. J'espère toujours aller te voir pour le nouvel an, je travaille pour ça. Je te dirai que j'ai vu Joseph. On est sortis ensemble mardi, mais il s'est déjà dirigé du coté de l'infirmerie. Il a dit qu'il avait mal aux reins d'avoir couché sur la dure. Rien d'autre à te dire pour le moment. Je suis toujours en bonne santé et je désire que la présente te trouve de même à son arrivée.
Ton cousin qui pense toujours à toi.
Albert Griffon.
Embrasse bien la grand-mère pour moi




29.10.14

29 octobre

Ma chère épouse
Je m'empresse de t'écrire comme je te l'ai promis, et aussi pour faire réponse à ta lettre que j'ai reçue ce matin et qui m'a fait tant plaisir. Moi aussi ma chère Alice, j'aime bien parler avec toi, si je ne le puis de vive voix, je le fait par correspondance car je sais que tu aimes bien comme moi recevoir des nouvelles surtout de ton petit mari dont tu te mets tant en peine de lui. Je comprends bien ta tristesse ma chérie, si tu ne m'aimais pas, tu ne te tourmenterais pas à ce point ; mais prend courage mon trésor, le jour viendra où nous nous reverrons ainsi que tous les parents. Comme me le dit Germaine sur une carte que j'ai encore reçue d'elle aujourd'hui : quelle fête ce sera lorsque je serai de retour parmi vous, et surtout pour revoir les êtres qui me seront chers. Ah oui ma chérie, je suis comme toi : je l'attend ce jour qui nous rendra heureux tous les deux, mais prenons patience et tranquillise-toi un peu pour moi, je ne suis pas si malheureux que tu te le penses. D'abord pour les corvées, je n'en fait point, car c'est moi qui sert à table les hommes, et puis aussi je fais le truc du sergent de demi-section, et un peu aussi de Joseph Priquet. Je suis bien tranquille vis à vis des autres ; aussi je fais tout mon possible pour contenter tout le monde et pendant ce service là, le temps se passe un peu.
Chère bien aimée, tu me dis aussi que Mesdames Perret sont revenues à Salins et qu'elles t'ont chargée de bien des choses de leur part. Je l'ai en remercie à toi, je serai bien heureux de leur dire de vive voix lorsque nous serons rentrés à Salins dans notre heureux logement ; avec notre cher petit ange qui grandira avec gentillesse pour sa maman et son papa, et où il commencera son babillage et ses premiers pas, et où nous serons si heureux les deux.
Chère Alice, tu me dis que Germaine t'a fait don du bien de berceau pour notre chérubin. Tu la remercieras bien pour moi, en attendant que je lui fasse réponse. Elle doit être contente d'être bientot marraine, et je crois qu'elle sera heureuse aussi car elle doit bien aimer ces petits êtres qui sont la richesse des parents et le fruit des amours comme pour nous deux. Je te joins la transcription dont je t'ai promis, tu demanderas au parrain si c'est utile de le faire, car ce serait pour demander l'allocation pour lui pendant que je serai encore ici. S'il ne fait qu'avoir un mois, c'est toujours autant car j'ai toujours l'espérance d'être de retour pour Noël ou le jour de l'an. Si toutefois tu n'as pas reçu satisfaction d'après la lettre que je t'ai envoyée du Maire de Salins, tu me le feras savoir, et je m'adresserai ailleurs car nous avons droit mieux que bien d'autres. Il ne doit pas y avoir là de préférence, je suis aussi sous les drapeaux, et toi tu dois recevoir pour vivre pendant mon absence.

Embrasse bien tous les parents pour moi et dis bien des choses pour moi à la maman à qui je pense bien souvent, qui va avoir bien du travail. Enfin je prends patience car j'espère bien pouvoir lui rendre tout ce qu'elle fait et fera encore pour toi pendant que je suis ici. Je ne l'oublierai jamais, tu peux lui certifier ;  et toi mon trésor, fais toujours bien attention à toi, ne va pas commettre d'imprudence : ne pas te lever trop après l'accouchement, ni essayer de te peigner. J'en aurais le coeur trop gros si j'apprenais qu'il t'arrive quelque chose, car je suis certain que tout veut bien aller pour toi, je prévois les choses d'après tes dires.

Je termine ma lettre en vous embrassant tous bien fort comme je vous aime. Et toi ma chère Alice bien aimée, reçois les meilleurs amitiés de ton petit mari qui t'aime pour la vie.
Ton Léon qui t'embrasse bien fort

Léon

Marie

Onay le 29 octobre 1914 

Mon petit Léon chéri,
Au moment où je reçois ta chère lettre datée du 24 courant, je venais de mettre au monde une mignonne petite fille. Je m'empresse de t'envoyer la nouvelle qui, je ne doute pas, te fera bien plaisir. Ce sera une petite Marie.
En même temps, je viens te dire mon petit Léon chéri que j'ai trouvé la lettre du Maire de Salins dans ta lettre. Maintenant pour toucher l'argent, ne te tourmente pas, tout va s'arranger pour le mieux.

Pour quant à tes chaussettes et le fil, je te les enverrai ces jours prochains. Tout va pour le mieux, la naissance et l'enfant chéri qu'il vient de nous arriver aujourd'hui jeudi 29 octobre à 10 heures et demi du matin. Je te dirai que hier soir 28 octobre, je me suis couchée en bonne santé et vers 11heures du soir après avoir fait un bon sommeil, le mal à commencé et comme tu le vois, mon cher petit Léon, ça n'a pas été trop long.
J'ai reçu également les 2 cartes du 21 et 22 octobre où tu m'annonçais que tu avais reçu tes colis et celle où tu me dis que tu étais toujours sans nouvelles d'Albert. Tu me dis donc qu'aujourd'hui tu viens de recevoir des nouvelles de ta marraine, et moi je lui ai écrit hier 28 octobre pour avoir de leurs nouvelles aussi.
Dans l'espoir de se relire bientôt, en attendant le bonheur de se rrevoir, reçois mon petit Léon chéri, les meilleurs baisers de ta petite femme qui te chéri.

Alice




28.10.14

Alice, un an auparavant

Onay, le 28 octobre 1913
Bien cher Léon

J'ai eu de la peine de vous sortir dimanche par les chemins par un temps pareil. J'aurais bien voulu que vous soyez encore un moment auprès de moi car vous avez du être bien mouillé.
Je suis allé vendanger hier comme je vous l'avais dit, Je ne vous ai pas oublié, j'ai mis deux raisins dans mes poches pour vous les faire gouter dimanche, au lieu de vous les envoyer par le téléphone comme vous me l'avez dit.
Germaine m'a dit qu'elle viendrait dimanche pour faire connaissance avec son futur beau-frère.
Je vous dirai aussi que les journées sont bien longue sans vous.
Recevez cher Léon un grand bonjour de toute la famille
et mille baisers de celle qui vous aime

Alice Simonin

J'irai vendredi probablement à Salins, mais vous n'oubliez pas de venir dimanche. J'irai à votre rencontre comme je vous l'avais dit autour d'une heure et demie.


26.10.14

26 octobre

Bien chère épouse,
Deux mots pour te tranquilliser. Tout va pour le mieux, la santé est très bonne et j'espère qu'il en est de même pour toi ainsi que tous les parents. Nous recevons des effets des civils, et aujourd'hui j'ai été désigné pour avoir un de ces petits colis : j'ai un caleçon tout neuf ainsi qu'une ceinture de flanelle, et d'autres objets dont je n'avais pas besoin et que j'ai distribué aux camarades. Je viens de remercier ce monsieur qui est de Lons-le-Saunier, alors tu vois ma chérie, soit sans peine pour moi, tout va bien aller. Tranquillise-toi et pas de mauvais sang, car le moment est proche où tu va devenir maman. Donne bien le bonjour à tous les parents et embrasse les bien pour moi, et toi ma chère bien aimée, soit aussi bien embrassée par ton cher petit mari qui t'aime bien tendrement pour la vie.
Au revoir et courage,
ton Léon
Encore mille bons baisers.

Ma chère Alice
comme suite à ma lettre, je te fais savoir que tout va bien. Tu devines ma joie en rentrant : je reçois une lettre de toi ma chérie, tu ne peux savoir quelle joie j'éprouve lorsque je vois ton écriture. Tranquillise-toi bien mon trésor, je ne suis pas malheureux du tout, j'ai bien reçu tes petits colis et le tricot que tu m'as acheté va très bien. Quant au caleçon, je ne l'ai pas essayé mais il veut bien aller, pour quant au passe-montagne, je n'en ai nullement besoin. Quand j'aurai reçu l'autre paire de chaussettes, j'aurai tout ce qu'il me faut, à part toi, mais tranquillises-toi, cet heureux jour viendra, prend encore patience quelques temps et tout ira bien. Je vois l'avenir nous sourire, oh que l'on veut être heureux ma bien aimée lorsque l'on se retrouvera réunis. 
Ma chère Alice, tu me dis de te donner les noms de l'enfant si c'est un garçon : tu en as déjà un, tu lui diras encore Albert et un nom ayant ressemblance à sa marraine, et si la maman ne veut pas lui dire Amédée, je te laisse le soin de lui dire le nom qu'il te plaira.
Maintenant comme j'ai reçu une lettre de la marraine et qu'elle me parle d'Albert, nous compterons sur lui. Elle ne dit pas où il est, surement que c'est comme nous, l'on ne doit pas dire où nous sommes, mais tranquillise-toi, je ne suis pas bien éloigné de Belfort. 
La marraine m'a envoyé cinq francs dans la lettre, tu lui donneras de tes nouvelles car elle m'en demande. J'ai envoyé une carte à M. le Maire de Salins pour bien le remercier puisque tu va toucher ton argent le 28 courant le plus tard, quand tu auras reçue ma lettre je crois que tu auras déjà touché. Voici l'adresse de la marraine : Mme Veuve Josephine Griffon chez M. Louis Colin à Ivory par Salins-Jura.
Ton petit mari qui te serre bien fort sur son coeur.
Léon

Je termine vite pour aller manger car il est l'heure.
Au revoir ma bien aimée, mon cher trésor.
Tranquillise toi pour moi

21.10.14

21 octobre

Bien chère épouse,
je m'empresse de faire réponse à ta lettre du 17 courant que je viens de recevoir : pourquoi tant te faire de mauvais sang comme cela, il ne faut pas penser à de pareilles choses. Je sais bien que c'est bien dur d'être séparés les deux, mais que veux-tu, la patrie a besoin des fils pour la défendre, et c'est un devoir que je me fais d'être présent sous les drapeaux pour la France notre mère. Je ne crains rien en faisant bien mon devoir et obéir à mes chefs. Le reste ne se dit pas, nous ferons payer cher à l'Allemagne ses procédés. 
Chère Alice, je t'ai demandé des effets il y a quelques jours. Comme tu ne m'en parles pas sur ta lettre, je pense que tu n'avais pas encore reçue ma demande. Je suis désolé de ne rien recevoir d'Albert ni de sa mère, je ne sais que penser de ce silence.
En attendant l'heureux jour qui nous réunira, reçois ma bien aimée les meilleures amitiés de ton petit mari.
Léon
Bien des choses de ma part à tous les parents, et embrasse les bien pour moi.
Enfin, espérons en des jours meilleurs où nous vivrons toujours bien unis.


18.10.14

18 octobre

Dimanche 18 octobre, partant le 19

Mon Alice chérie,
Je m'empresse de faire réponse à ta lettre du 14 courant que j'ai reçue ce matin et qui m'a bien fait plaisir, car j'attendais de tes nouvelles aussi. Il faut que je te dise ma chérie, de te tranquilliser un peu. Nous aurons l'espérance de passer encore de beaux jours ensemble et de plus beaux que nous avons déjà passés les deux, car nous aurons le fruit de notre amour profond qui nous fera oublier les jours que je passe ici, et qui nous sépare tous les deux. Ayons confiance dans l'avenir : mieux vaut rester encore quelques temps comme cela, car durer c'est vaincre, et il vaut mieux ainsi que d'avoir beaucoup de pertes. 
Il y aura assez de veuves, d'orphelins et de jeunes gens qui faisaient le bonheur de leurs parents et qui ne sont plus. Mais quoique cela arrive, çela ne veut pas dire que nous serons séparés jusqu'à Pâques. J'ai l'espérance que pour le jour de l'an, nous serons réunis et si toutefois je n'étais pas rentré pour ces deux dates là, ça ne saurait tarder. 
Enfin prenons courage tous les deux, le temps est court quoiqu'il nous parait bien long. 
Mon cher trésor, je me vois déjà de retour près de toi : quelle joie pour les deux, et plus encore pour moi car je verrai deux êtres qui me seront très chers ainsi que tous les parents. 
Oh ma bien aimée, je te le redis encore : fait bien attention à ta personne, je ne voudrais pas pour tout au monde qu'il t'arrive quelque chose. J'ai bonne espérance pour le jour où tu deviendras maman, j'entrerai dans l'avenir me présentant ce cher enfant car tu ne peux savoir comme j'aime ces petits enfants. 
Tiens écoute ceci : tu verras le coeur que j'ai. Ce soir nous avons mangé, avec ma section, la soupe à 3h1/4 pour aller prendre le service aux avants-postes pour 24 heures. Il est venu deux petits alsaciens près de nous. L'un pouvait avoir de huit à neuf ans et l'autre de six à sept. Ils nous regardaient manger. Le coeur m'a serré en voyant cela, je leur ai donné ma portion de viande avec un gros morceau de pain chacun. J'ai été le seul sur deux escouades qui l'a fait. Ces enfants ne sont pour rien dans ce conflit et si leur père est soldat dans l'armée allemande, ils n'en sont pas la cause. Chacun a répondu à l'appel de sa patrie. Tu vois j'ai préféré me passer de ma portion pour leur donner et je n'en suis pas plus mal pour autant, au contraire je m'en porte très bien.
Chère bien aimée, mon trésor et ma vie entière ; tu me dis que je n'ose rien te demander, je ne vois qu'à cela d'avoir des correspondances égarées : je t'ai écrit une lettre il y a quelque temps où je te disais de me préparer encore une paire de chaussettes de laine comme celles que tu m'avais données pour Noël pour m'en faire deux ; et que je te les demanderais quand j'en aurais besoin. Tu ne m'en parle pas sur ta lettre, et si tu n'a rien reçue de cela, c'est que ma lettre c'est égarée. Je pense que tu auras reçue celle où je te demande des effets, et que mes fleurs t'auront fait plaisir. 
Tu me diras lorsque tu me récriras combien de lettres et de cartes tu as déjà reçue de moi , quoique j'ai perdu mon contrôle. Je verrai toujours bien à peu près, tu vois que maintenant je numérote mes cartes et lettres, et je conserve bien toutes celles que je reçois de toi ainsi que celles de Germaine. Voilà déjà quelques temps que je n'ai rien reçu d'elle et cependant j'ai fait réponse à sa dernière carte, peut-être que ma carte ne lui est pas parvenue, enfin dis lui bien des choses de ma part, et qu'elle m'écrive.
Mon Alice chérie, j'ai envoyé une carte à chez Mme Longchamp pour leur dire d'aérer notre logement car je ne tiens pas à ce que tu ailles maintenant à Salins, vu que ta grossesse s'avance, j'ai pris soin de toi et je veux avoir une femme bien portante avec un charmant bébé lors de mon retour qui est aussi si désiré pour toi. 
Dis bien des choses de ma part à tous les parents, et vous chère maman, vous allez avoir bien du travail avec mon épouse le mois prochain. Ce n'est pas à vous qu'incombe ce travail, c'est à moi, mais remplacez-moi pendant que je défend le sol français menacé, je ne vous oublierai jamais. J'ai le coeur de faire le bien à mes parents et surtout à vous qui le faite pour moi en ce moment : tranquillisez-vous, vous reverrez encore votre gendre qui ne vous oubliera pas.
Recevez, toute la famille, mes sincères amitiés, et toi ma chère Alice bien aimée, soit bien embrassée comme je t'aime du plus profond de mon coeur aimant

Ton Léon qui pense toujours à toi.
Encore mille bons baisers ma chérie
Léon

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