28.12.14

28 décembre

Chère épouse et petite Marie,
Comme je ne reçois plus rien de toi depuis ta lettre du 18 courant, je suis bien en peine de savoir ce qu'il en est. Serais-tu malade ou petite Marie, et que l'on me le cache ? Je ne voudrais pas que vous me fassiez cela car je suis trop tourmenté à ce motif. Dites moi bien toute la vérité ; ou ne recevrais-tu plus mes lettres ou que tu ne veuilles plus m'écrire ? mais je ne crois pas cela de toi ma chérie, tu ne souffrirais pas de me faire pareille chose car tu es comme moi : tu aimes trop ton petit époux... Serait-ce la Poste qui serait devenue aussi irrégulière que les premiers temps, enfin fait comme moi, fait moi parvenir de tes nouvelles pour me tranquilliser car j'ai le coeur bien gros en ce moment ma chérie.
J'ai passé un bon moment hier avec Sigonney qui m'a raconté bien des choses de la guerre, il a reçu des nouvelles de chez M. Bouveret où ils lui disent que tu es bien ennuyée de moi. Pourquoi tout ce mauvais sang ? Espère toujours, c'est le meilleur moyen de calmer cette tristesse que tu as. Embrasse bien petite Marie et tous les parents. Soit aussi bien tendrement embrassée comme je t'aime
Ton Léon




26.12.14

26 décembre

Ballersdorf (Alsace), le 26 décembre

Chère épouse adorée et chère petite Marie,
Par cette présente carte, je viens te présenter ma chérie et petite Marie, ainsi que chère Maman et Edmond, mes vœux et souhaits les plus sincères pour la nouvelle année : vœux et souhaits de bonheur, santé et prospérité ; ainsi que la grande espérance de mon retour vers mes deux chéries et parents qui m'attendent avec impatience. Je demande tous les jours à Dieu qu'il me fasse la grâce de  revoir ma petite famille et d'être heureux comme nous l'avons été, dans si peu de temps. Enfin, 1914 qui nous a unis et nous a séparé, va bientôt disparaitre, et 1915 qui nous apporte la gloire nous donnera le bonheur à tous.
Chère Alice, la fête de Noël s'est bien passée, je suis allé à la messe hier matin, messe qui était pour les soldats et dite par un soldat prêtre. J'ai trouvé l'église de Ballersdorf fort jolie, elle vaut bien celle de St Maurice de Salins quoique c'est un village. J'espère que ma chère enfant vient bien maintenant qu'elle est fille de Dieu. Et toi, ma petite femme chérie, je pense que tu es toujours en bonne santé aussi.
Je vous embrasse tous bien fort.
Ton Léon




Soldats à l'église de Ballersdorf


22.12.14

22 décembre

Chère Alice et chère petite Marie,

Je m'empresse de faire réponse à ta lettre du 18 courant que j'ai reçue hier au soir, ainsi qu'une lettre de Germaine. Je suis heureux de savoir mon enfant chérie baptisée mais je serai encore bien plus heureux le jour où je pourrai vous serrer dans mes bras et vous couvrir de baisers brulants. Que ce petit ange de cette terre me porte bonheur pour que je puisse la connaitre et bien l'élever. J'ai toujours la ferme espérance de mon retour, mais le destin me sera-t'il favorable ? J'avais des amis intimes qui parlaient de l'avenir, et hélas, qui ne sont plus. J'implore tous les soirs le Très-Haut qu'il me fasse la grâce de revoir ma petite famille et de bien l'élever mon enfant ; enfin, espérons que pareil malheur ne t'arrivera pas et que je serai rendu à ta tendresse.
Chère bien aimée, tout ce que tu as fait pour le baptême est bien, je suis bien content de toi, tu as bien fait pour M. le Curé de St Maurice, et aussi pour M. le Curé Bailly, ainsi que pour M. et Mme Blandin. Moi, si j'ai le bonheur de rentrer, je serai heureux d'en avoir aussi mais d'ici là ils seront vieux, ce sera comme le vin : plus il est vieux, meilleur il est.
J'ai écrit à Germaine en même temps qu'à toi mais j'ai oublié une chose : c'est de la remercier de ce qu'elle a donné pour notre chérie. Si tu la vois bientôt, remercie la bien pour moi en attendant que je lui réécrive. Je ne puis le faire maintenant car la lettre est cachetée. N'oublie pas cela ma chérie, car elle pourrait mal me juger. Je te remercie bien des bonjours de M. le Curé de St Maurice et de M. et Mme Bourgeois. Lorsque tu les reverras, tu leur donneras aussi le bonjour de ma part, ainsi qu'aux amis et connaissances.
J'ai écrit à Eugène et à Alfred il y a quelques jours. Ils seront contents d'avoir de mes nouvelles comme moi d'en avoir des leurs. J'ai reçu une lettre d'Albert il y a quelques jours. Il va bien aussi, il était en souci de moi car dans sa compagnie il y en a qui avaient reçu des nouvelles du 244ème où on lui avait dit que mon régiment avait été bien éprouvé. Je ne comprends pas ces porteurs de fausses nouvelles qui parlent de pareils faits pour ce qu'il y a eu, il est vrai que c'est bien de trop mais il est nullement besoin d'en faire un journal. Il se porte bien aussi, moi de mon côté je suis un peu souffrant car l'on nous a vaccinés contre la fièvre typhoïde et ça me travaille encore assez ; enfin tranquillise-toi là dessus, c'est encore l'affaire de quelques jours et tout ira bien. Je ne me fait pas de mauvais sang, c'est l'essentiel. Je vis au jour le jour dans l'espérance de mon retour vers mes trésors bien aimés et parents qui sont si bons pour moi. 
Embrasse bien pour moi cette chère maman ainsi qu'Edmond, d'avoir une si gentille petite nièce et filleule. Il me semble l'avoir vue cette petite chérie le jour de son baptême, enfin vivement, si cet heureux jour doit venir, qu'il me fasse voir notre bonheur.
Chère bien aimée, tranquillise-toi toujours bien pour moi : vis en bonne espérance ; nous sommes en repos pour une dizaine de jours, nous avons encore 5 jours à nous reposer et après nous reprenons le service comme auparavant : je crois que le lieutenant Pernet restera à la compagnie car on lui a envoyé un cheval comme Commandant de compagnie. L'on est bien plus heureux avec lui qu'avec le capitaine qu'on avait avant. Je ne vois plus d'autres choses à te dire, je termine ma lettre car je vais aller me reposer un moment.
Reçois ma chérie, ainsi que chère petite Marie, mes plus tendres amitiés, et soyez toutes deux bien embrassées comme je vous aime pour la vie.
Ton Léon
Encore mille bons baisers. 
Courage et patience dans l'avenir.

Certificat de baptême et de communion solennelle de Marie

19.12.14

19 décembre

Ballersdorf, le 19 décembre 1914, partant le 20

Ma chère Alice et petite Marie,

Je fais suite à ma carte que je t'ai adressée hier : c'est le courrier de Lons qui n'était pas arrivé, c'est pour cela que je n'avais pas reçu ta lettre mais aujourd'hui ça a changé car je viens d'en recevoir trois dont ta lettre, une d'Albert que j'attendais tant, et enfin cette carte de Salins que je joins à ma lettre pour que tu me la conserves en souvenir de cette campagne.
Ma chère bien aimée, tu crois comme bien d'autres épouses, ou parents, que nous sommes à plaindre. Non, ne le crois pas, tu sais bien que je t'ai toujours dit la vérité jusqu'à maintenant, je ne t'ai jamais caché quoi que ce soit, et je ne le ferai jamais à toi, ma chérie. Toute la vérité tu l'auras, car toi aussi tu ne me caches rien non plus, c'est bien ce qu'il faut pour nous deux époux qui s'aiment bien tendrement pour la vie, et que rien au monde ne nous séparera, ni même la guerre actuelle. Tu peux toujours te tranquilliser, j'ai foi en la bonté de Dieu et mon espérance ne sera pas trompée.
Chère Alice, tu me parles que tu vois les journaux que Mme Faillenet te porte, et tu y vois bien des choses concernant la guerre ; mais tout ce que tu y lis, tu crois que c'est la réalité ; mais détrompe-toi bien vite sur bien des choses que tu y a puisé, ne vas pas croire non plus que l'Italie se mettra du conflit européen au printemps car cette puissance ne sait pas comment faire, et aussi elle ne tient pas à la guerre. Elle était cependant l'alliée de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie, pourquoi donc n'a t'elle pas combattu aux côtés des deux autres puissances depuis le début des hostilités ? Voici pourquoi elle a vu qu'étant en guerre avec ses alliés, elle se ferait connaitre comme les boches et les Autrichiens de toutes les parties du monde, car il faut être barbare au dernier rang pour déchainer des guerres après être aussi civilisés comme nous le sommes. C'est cette Allemagne qui voulait la guerre, Guillaume ou le Kaiser l'orgueilleux, n'importe quel motif pour y arriver, il aurait voulu que ce soit nous qui commencions car tous les partis qui se trouvent au parlement se seraient séparés, et alors là, il aurait pu vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Aujourd'hui Guillaume II et François Joseph s'aperçoivent que leurs plans de campagne ont complètement échoués, et qu'ils seront vaincus, mais ils continuent encore quelques temps en aveuglant leurs peuples de victoires qu'ils n'ont pas remportées. Pourquoi se cachent-ils si bien les boches ? Parce qu'ils ne peuvent aller plus loin et ne peuvent rentrer chez eux après tant de victoires annoncées. Ça serait la honte le jour où ils seront rentrés dans leur pays et aussi la fin de la guerre. Etant encore sur notre territoire, ils ne pensent pas à la paix, ils se croient vainqueurs mais ils seront vaincus. Je ne crois pas aux journaux, j'en ai lu qui parlaient de l'Alsace, de notre avance qui mentionnait des faits qui n'étaient point arrivés, c'est pour cela qu'il ne faut pas y croire quand ils disent que la guerre sera longue. Elle est déjà bien de trop longue, mais moi à mon idée, quand la violette poussera, nous serons près de notre retour, si ce n'est déjà fait.
Enfin, tranquillise-toi bien ma chérie, l'heureux jour viendra où nous serons heureux encore plus qu'auparavant, car avec notre chère petite fille qu'il me tarde tant de connaitre, et qui nous fera oublier cette longue séparation.
J'ai reçu la lettre d'Albert [Griffon], il est toujours en bonne santé. Je vais lui répondre en lui disant que vous avez dû baptiser cette semaine, et qu'il est porté comme parrain. Il est aussi toujours au même lieu, enfin je suis bien content d'avoir de ses nouvelles car je ne savais que me penser, et lui me demande aussi de mes nouvelles, c'est pourquoi je vais lui écrire de suite pour le tranquilliser. Je suis bien content de savoir que tu vas m'envoyer les adresses des cousins de St Benoit, je suis également satisfait de savoir que tout va bien dans la famille. Nous allons toujours bien, aussi nous avons repos quelques jours car l'on va être vaccinés demain. J'ai repris mon service comme auparavant aujourd'hui, donc tu peux te tranquilliser pour ce motif là.
Embrasse-bien tous les parents pour moi, et bien le bonjour aussi à toutes les connaissances, et toi, ma petite femme chérie ainsi que ma petite Marie, soyez bien embrassées par celui qui vous aime et qui pense toujours à vous.

Léon


14.12.14

14 décembre

Ma chère bien aimée et petite Marie
Ayant un moment à moi par ce vilain temps, je fais suite à ma carte que je t'ai adressée hier, mais tranquillise-toi car aujourd'hui nous ne sommes pas à la pluie, je n'ai pas à me plaindre pour cela, je n'ai pas été encore mouillé. Voilà cependant 4 mois de campagne, et je ferai encore moyen de ne pas me laisser tremper. Nous avons des couvres-pieds et nous les mettons sur notre dos lorsque nous sommes aux avants-postes, puis lorsqu'ils seront mouillés, nous ferons de gros feux pour les faire sêcher. Nous avons également de grandes couvertures, mais nous les laisons au cantonnement, et lorsque nous avancerons, les voitures les transporteront, nous ne pouvons encore pas nous plaindre du froid lorsque nous sommes aux avants-postes. Nous ferons du feu car le bois ne manque pas en Alsace, et au cantonnement, c'est à dire au pays que nous sommes, nous couchons dans des chambres, et comme les planchers forment le plafond, nous avons la chaleur des pièces en dessous qui sont chauffées, surtout chez nous. 
Ici c'est une jeune famille qui a six enfants et le septième en route, car ça niche comme les lapins, alors le feu ne manque pas dans cette maison. Lorsque nous ne sommes pas trop fatigués, nous allons veiller le soir à la chambre et entendre pleurer les petits, ça m'habituera pour quand je serai rentré, mais je voudrai pas en avoir comme cette famille, et je pense que tu es de mon avis ma chère Alice. Enfin, lorsque je serai de retour, nous travaillerons pour le mieux.
Voici, ma bien aimée ce que sont les avants-postes. Figure-toi que l'ennemi se trouverait à La Chapelle, la ligne des avants-postes comporterait Onay- St Benoit : deux points principaux à garder à cause des chemins. Entre ces 2 chemins il y aurait un petit poste dans les champs : nous y ferons des tranchées ou en cas d'attaque, nous serons cachés de la vue de l'ennemi mais qui nous permettrait de le fusiller dès que nous l'apercevrons ; et en avant de ces tranchées, de grands réseaux de fil de fer barbelés de crainte qu'il vienne trop nombreux ; puis, en arrière des pays d'Onay et St Benoit, les gros des grands gardes qui viennent nous renforcer. Il y a aussi les postes d'écoute pour la nuit, avant les tranchées, ce qui permet d'avertir l'arrière par une bonne fusillade, puis nous nous sauvons vers les autres par un chemin fait pour cela, que l'ennemi ne puisse nous suivre. Nous ne craignons rien pour tout cela. C'est dans un de ces postes que j'ai fait le service en remplacement du caporal malade. Maintenant il va mieux et je serai bientôt à mon premier service. Ne te fais pas de mauvais sang, tout va bien, prend toujours bien patience de mon absence. L'heureux jour qui nous réunira approche. 1914 touche à sa fin et 1915 nous apporte la gloire, la victoire et le bonheur pour toutes les familles. J'aurai le plaisir de faire mon petit jardin et de promener notre cher ange par les beaux jours. 
Nous irons aussi le dimanche nous promener voir la maman et comme chez M. Perret ne sera pas là, nous en profiterons. J'espère que Mme Longchamp ne nous embetera pas, enfin pardonne-moi ce que je t'ai dit chère Alice, ne crois pas que je me gênais de te demander quelque chose, mais tu as assez à faire, car il ne faut pas que la maman qui a assez à faire pendant mon absence dis lui bien des choses pour moi à cette chère maman que je n'oublierai pas. 
Embrasse la bien pour moi ainsi que tous les parents et donne bien le bonjour aux amis et connaissance, et toi, ma petite femme chérie, soit aussi bien embrassée, ainsi que petite Marie, vous qui êtes mon plus grand bien sur cette terre. Reçois aussi mes sincères amitiés.
Au revoir. Courage. Patience.
Ton petit époux et petit papa.
Léon

10.12.14

10 décembre

Bien chère épouse et petite Marie,

Je m'empresse de faire réponse à ta grande lettre que j'ai reçue hier et qui m'a fait bien plaisir d'avoir de tes nouvelles, comme d'ailleurs toutes les lettres que je reçois de toi ma chérie. Tu ne peux savoir la joie que j'éprouve lorsque je lis tes chères lettres, il me semble que je suis un moment près de toi et que je te parle, mais prends patience ma bien aimée, le jour viendra où nous serons réunis et où je te donnerai ma tendresse ainsi qu'à ma chère petite fille, qu'il me tarde tant  de connaitre. Oh combien je veux être heureux lorsque je serai près de vous, comme je veux tous vous chérir après ces longs mois d'absence que je passe en Alsace. Enfin, tranquillisez-vous bien tous, quoique nous ne savons encore pas le bout de cette guerre, le temps travaille pour nous. Nous les vaincrons ces sales boches, et Guillaume descendra de son trône sanglant.Son peuple barbare sera cinglé par les armées des alliés ; ils ont voulu la guerre, on la leur fera et plus qu'ils ne voudront. La terre entière déteste cette puissance sanguinaire, il leur fallait une bonne saignée, mais c'est eux qu'il l'ont. Nos positions et notre tactique militaire sont des meilleures, et l'état moral de tous les soldats est excellent. Alors, tu peux croire que nous sommes bien soignés tandis qu'eux n'ont pas toujours assez à manger. Souvent il arrive des déserteurs ou d'autres qui se rendent, car la faim les tourmente. Nous, nous avons au delà, surtout moi qui ne suis pas un fort mangeur.
Je t'envoie la carte que Germaine m'a envoyée, pour que tu la conserves. Je l'ai déjà abimée, ce qui me fait de la peine. Donne bien des baisers à mon enfant chéri pour moi, et embrasse bien la maman, ainsi que tous les parents pour moi ; et toi, ma petite femme chérie, reçois de ton époux qui t'aime pour la vie, ses plus tendres amitiés, et soit bien fortement embrassée.

Ton époux et petit papa
Léon

8.12.14

8 décembre

Bien chère épouse et petite Marie,

Ayant un moment de disponible ce soir, je fais suite à ma carte d'hier et pour te dire que tout va bien maintenant, avec un temps pareil, s'il pouvait continuer comme cela deux mois, nous serions bien heureux ; enfin quoique cela nous ne sommes pas malheureux, la compagnie a bien changée depuis le départ du capitaine. Le lieutenant Pernet de Salins nous soigne bien, aujourd'hui nous avons eu du chocolat pour déjeuner et il nous change de viande, il achète un porc toutes les semaines pour la compagnie, et puis du vin nous en avons tous les jours, bien des fois un demi-litre, eau-de-vie et thé, pour aller aux avants-postes ; et sardines ou fromage aussi ; alors tu vois que nous sommes bien, mais quoique là j'aimerais être près de vous tous, je serais encore bien plus heureux. 
Je ne me décourage pas non plus, cet heureux jour approche où nous serons les plus heureux sur cette terre, après une pareille séparation. Je n'ai pas le temps de bien m'ennuyer car voilà quelques temps que je remplace le caporal de mon escouade qui est tombé malade. Je fais tout mon possible pour bien faire car je suis un peu novice de ce côté là, enfin ce n'est peut-être pas pour longtemps, il me tarde qu'il rentre pour être débarrassé de cette affaire là.
Chère Alice, j'ai reçu une jolie carte de Germaine aujourd'hui, aussi je lui écrit en même temps qu'à toi pour bien la remercier car elle m'a fait grand plaisir. Je t'enverrai la carte la prochaine fois que je t'écrirai pour que tu la conserves, tu veux la trouver jolie ; si le temps le permet et que tu ailles baptiser à Salins, tu donneras bien le bonjour à notre curé en attendant de le revoir. 
Tu me diras aussi ce que font les cousins de St Benoit, si tu as leur adresse tu me la donneras, que je leur envoie deux mots car je les aimais bien, quoique je n'ai vu Alfred qu'une fois, je l'ai trouvé bien gentil, il a du en voir lui étant de l'active, ils ont eu bien plus de travail que nous quoique voilà quelques temps où nous avons bien travaillé ici aussi. 
Dis bien des choses pour moi à la maman et embrasse la bien pour moi car je pense bien souvent à elle, et aussi petite Marie, comment vient-elle ? Edmond ne veut surement pas que nous l'emmenions à Salins car il doit bien l'aimer aussi. Nous la laisserons à la maman quand il sera soldat, elle sera forte, elle tiendra compagnie ; et puis nous deux, d'ici là, nous aurons travaillé pour d'autres. 
Chère bien aimée, tu donneras bien le bonjour à tous les parents pour moi, et dis leur aussi bien des choses de ma part. J'oubliais de te dire que le gouvernement français nous a remboursé les effets chauds que tu m'as envoyé. J'ai touché 6,40 francs pour mon compte, et hier j'ai touché une bonne ceinture de flanelle et une paire de gants. J'ai bien du linge maintenant, quant aux chemises j'en ai deux, c'est assez surtout que le sac devient lourd avec tout cela, mais nous le portons bien quand même. Je termine ma bien aimée en t'envoyant mes plus douces amitiés et en t'embrassant bien fort, ainsi que ma chère enfant. Mille bons baisers et au revoir.
Léon

5.12.14

5 décembre

Chère Alice et petite Marie,
Je m'empresse de faire réponse à ta lettre du 1er décembre qui m'a causé tant de joie et de bonheur, et aussi qui me fait voir combien l'amitié que tu as pour moi est grande. Je pouvais me passer d'argent, car toi aussi tu en a besoin avec notre chère ange. Nous sommes bien nourris, nous avons maintenant comme capitaine et par interim le lieutenant Pernet de Salins qui est passé adjoint au colonel. C'est le fils de M. Louis Pernet, marchand de bois pour construction. S'il peut être promu à notre compagnie capitaine, nous serons bien content, quoiqu'il n'a pas plus de partialité pour nous que pour d'autres, mais nous aimons mieux être tous des pays ensemble.
J'ai bien reçu ton petit colis aussi qui m'a fait bien plaisir. Ne te prive pas non plus pour qu'à mon retour je retrouve les êtres qui me sont si chers en bonne santé. Viens bien en aide aussi à la maman qui a si soin de toi, car si tu étais seule, je ne vivrais déjà plus, je me serais trop fait de mauvais sang. Enfin tranquillise-toi bien pour moi car je suis en bonne santé et je désire que ma carte vous trouve tous aussi en bonne santé. J'ai reçu cette semaine une carte de Germaine, une d'Albert et aussi de Salins. Ils ne me parlent pas de ma dernière carte, ils sont allés me faire inscrire à la mairie car il avait annoncé à Salins de nous faire inscrire tous les hommes mobilisés, je ne sais pas pourquoi. Bertha est à l'hôpital mais elle va bien maintenant.
Donne bien le bonjour et embrasse bien pour moi tous les parents, et couvre aussi de baisers petite Marie pour moi en attendant que je puisse le faire moi-même. Merci bien des fois ma tendre épouse, ce que tu fais pour moi, moi je fais tout mon devoir. Reçois ma bien aimée mes plus tendres amitiés, et soi bien embrassée ainsi que petite Marie.
Ton petit mari
Léon.

3.12.14

3 Décembre

Bien chère épouse et petite Marie,

Je m'empresse de faire réponse à ta lettre du 29 dernier, qui m'a fait bien plaisir de recevoir de tes nouvelles et de savoir que vous alliez tous bien. Moi de mon côté, tout va pour le mieux et je désire qu'il en soit toujours ainsi jusqu'à mon retour si désiré de vous. Espérons que cela soit vite ici car je trouve le temps toujours bien long. Quelle fête je veux faire à vous tous lorsque je serai parmi vous ! Enfin, prenez bien patience comme moi même et tout ira bien.
Ma chère Alice, voici à seule fin de te tranquilliser ce que sont les avants-postes : ce n'est pas comme tu croyais, c'est une barrière que nous formons pour arrêter la marche des boches en avant ou contre toute surprise. Nous sommes des fois à la lisière des bois ou près des pays, et encore des fois dans des tranchées ; mais tranquillise-toi, nous avons des abris où nous pouvons faire du feu en attendant que l'ennemi vienne nous voir, mais il n'est pas bien mauvais car mardi des hommes de ma section sont allés fraterniser avec eux ; mais cela n'a pas duré car ils sont délogés par notre artillerie. Enfin tranquillise-toi sur tout, nous ne craignons rien de leur côté.
Chère bien aimée, tu me dis que tu a reçu ton certificat d'allocation pour toucher ton argent. J'en suis bien content, tu n'auras pas eu la peine d'envoyer la lettre que je t'ai transmise pour le député M. Dumont. Tu auras pour te satisfaire un peu pendant ma présence sous les drapeaux et ça viendra en aide aussi à la maman qui a si soin de toi. Il te faut faire encore une demande si tu veux pour petite Marie, ça serait toujours 0,5 francs de plus, tu en parleras à M. Buffard. 
J'ai reçu une carte d'Albert en même temps que ta lettre, et aussi une carte de Germaine. Albert me dit que ça va assez bien et qu'il a appris la naissance de notre petite chérie par ta lettre. Il accepte bien d'être parrain mais il ne sait pas lorsqu'il rentrera car lui il est jeune et pourrait bien rester encore quelques temps après la guerre pour occuper les pays ou places que l'on nous cèdera. Je suis heureux aussi de la carte que j'ai reçu de Germaine car elle me dit que Dimanche, elle a tenue petite Marie et qu'elle est très gentille et jolie. Aussi elle est bien contente de cette petite fille. Je suis bien content aussi de savoir que tu a bien du lait pour nourrir petite Marie. Elle n'en sera que mieux portante et plus forte.

Embrasse bien cette petite chérie pour en attendant qu'elle reçoive mes tendresses paternelles. Embrasse bien la maman et tous les parents pour moi et aussi bien le bonjour, et toi ma chère petite maman et petite Marie, recevez les tendresses et amitiés sincères d'un époux et d'un petit papa qui vous aime pour la vie et qui pense toujours à vous.
Soyez bien embrassées. Au revoir. Courage et patience.
Ton Léon chéri.