30.10.14

Albert

Saint Dié, le 30 octobre 1911
Bien cher cousin
je fais réponse à ta lettre qui m'a fait bien plaisir de recevoir de tes nouvelles. Je te dirai que ça va toujours bien pour le moment. J'espère que ç'en est de même pour toi. J'espère toujours aller te voir pour le nouvel an, je travaille pour ça. Je te dirai que j'ai vu Joseph. On est sortis ensemble mardi, mais il s'est déjà dirigé du coté de l'infirmerie. Il a dit qu'il avait mal aux reins d'avoir couché sur la dure. Rien d'autre à te dire pour le moment. Je suis toujours en bonne santé et je désire que la présente te trouve de même à son arrivée.
Ton cousin qui pense toujours à toi.
Albert Griffon.
Embrasse bien la grand-mère pour moi




29.10.14

29 octobre

Ma chère épouse
Je m'empresse de t'écrire comme je te l'ai promis, et aussi pour faire réponse à ta lettre que j'ai reçue ce matin et qui m'a fait tant plaisir. Moi aussi ma chère Alice, j'aime bien parler avec toi, si je ne le puis de vive voix, je le fait par correspondance car je sais que tu aimes bien comme moi recevoir des nouvelles surtout de ton petit mari dont tu te mets tant en peine de lui. Je comprends bien ta tristesse ma chérie, si tu ne m'aimais pas, tu ne te tourmenterais pas à ce point ; mais prend courage mon trésor, le jour viendra où nous nous reverrons ainsi que tous les parents. Comme me le dit Germaine sur une carte que j'ai encore reçue d'elle aujourd'hui : quelle fête ce sera lorsque je serai de retour parmi vous, et surtout pour revoir les êtres qui me seront chers. Ah oui ma chérie, je suis comme toi : je l'attend ce jour qui nous rendra heureux tous les deux, mais prenons patience et tranquillise-toi un peu pour moi, je ne suis pas si malheureux que tu te le penses. D'abord pour les corvées, je n'en fait point, car c'est moi qui sert à table les hommes, et puis aussi je fais le truc du sergent de demi-section, et un peu aussi de Joseph Priquet. Je suis bien tranquille vis à vis des autres ; aussi je fais tout mon possible pour contenter tout le monde et pendant ce service là, le temps se passe un peu.
Chère bien aimée, tu me dis aussi que Mesdames Perret sont revenues à Salins et qu'elles t'ont chargée de bien des choses de leur part. Je l'ai en remercie à toi, je serai bien heureux de leur dire de vive voix lorsque nous serons rentrés à Salins dans notre heureux logement ; avec notre cher petit ange qui grandira avec gentillesse pour sa maman et son papa, et où il commencera son babillage et ses premiers pas, et où nous serons si heureux les deux.
Chère Alice, tu me dis que Germaine t'a fait don du bien de berceau pour notre chérubin. Tu la remercieras bien pour moi, en attendant que je lui fasse réponse. Elle doit être contente d'être bientot marraine, et je crois qu'elle sera heureuse aussi car elle doit bien aimer ces petits êtres qui sont la richesse des parents et le fruit des amours comme pour nous deux. Je te joins la transcription dont je t'ai promis, tu demanderas au parrain si c'est utile de le faire, car ce serait pour demander l'allocation pour lui pendant que je serai encore ici. S'il ne fait qu'avoir un mois, c'est toujours autant car j'ai toujours l'espérance d'être de retour pour Noël ou le jour de l'an. Si toutefois tu n'as pas reçu satisfaction d'après la lettre que je t'ai envoyée du Maire de Salins, tu me le feras savoir, et je m'adresserai ailleurs car nous avons droit mieux que bien d'autres. Il ne doit pas y avoir là de préférence, je suis aussi sous les drapeaux, et toi tu dois recevoir pour vivre pendant mon absence.

Embrasse bien tous les parents pour moi et dis bien des choses pour moi à la maman à qui je pense bien souvent, qui va avoir bien du travail. Enfin je prends patience car j'espère bien pouvoir lui rendre tout ce qu'elle fait et fera encore pour toi pendant que je suis ici. Je ne l'oublierai jamais, tu peux lui certifier ;  et toi mon trésor, fais toujours bien attention à toi, ne va pas commettre d'imprudence : ne pas te lever trop après l'accouchement, ni essayer de te peigner. J'en aurais le coeur trop gros si j'apprenais qu'il t'arrive quelque chose, car je suis certain que tout veut bien aller pour toi, je prévois les choses d'après tes dires.

Je termine ma lettre en vous embrassant tous bien fort comme je vous aime. Et toi ma chère Alice bien aimée, reçois les meilleurs amitiés de ton petit mari qui t'aime pour la vie.
Ton Léon qui t'embrasse bien fort

Léon

Marie

Onay le 29 octobre 1914 

Mon petit Léon chéri,
Au moment où je reçois ta chère lettre datée du 24 courant, je venais de mettre au monde une mignonne petite fille. Je m'empresse de t'envoyer la nouvelle qui, je ne doute pas, te fera bien plaisir. Ce sera une petite Marie.
En même temps, je viens te dire mon petit Léon chéri que j'ai trouvé la lettre du Maire de Salins dans ta lettre. Maintenant pour toucher l'argent, ne te tourmente pas, tout va s'arranger pour le mieux.

Pour quant à tes chaussettes et le fil, je te les enverrai ces jours prochains. Tout va pour le mieux, la naissance et l'enfant chéri qu'il vient de nous arriver aujourd'hui jeudi 29 octobre à 10 heures et demi du matin. Je te dirai que hier soir 28 octobre, je me suis couchée en bonne santé et vers 11heures du soir après avoir fait un bon sommeil, le mal à commencé et comme tu le vois, mon cher petit Léon, ça n'a pas été trop long.
J'ai reçu également les 2 cartes du 21 et 22 octobre où tu m'annonçais que tu avais reçu tes colis et celle où tu me dis que tu étais toujours sans nouvelles d'Albert. Tu me dis donc qu'aujourd'hui tu viens de recevoir des nouvelles de ta marraine, et moi je lui ai écrit hier 28 octobre pour avoir de leurs nouvelles aussi.
Dans l'espoir de se relire bientôt, en attendant le bonheur de se rrevoir, reçois mon petit Léon chéri, les meilleurs baisers de ta petite femme qui te chéri.

Alice




28.10.14

Alice, un an auparavant

Onay, le 28 octobre 1913
Bien cher Léon

J'ai eu de la peine de vous sortir dimanche par les chemins par un temps pareil. J'aurais bien voulu que vous soyez encore un moment auprès de moi car vous avez du être bien mouillé.
Je suis allé vendanger hier comme je vous l'avais dit, Je ne vous ai pas oublié, j'ai mis deux raisins dans mes poches pour vous les faire gouter dimanche, au lieu de vous les envoyer par le téléphone comme vous me l'avez dit.
Germaine m'a dit qu'elle viendrait dimanche pour faire connaissance avec son futur beau-frère.
Je vous dirai aussi que les journées sont bien longue sans vous.
Recevez cher Léon un grand bonjour de toute la famille
et mille baisers de celle qui vous aime

Alice Simonin

J'irai vendredi probablement à Salins, mais vous n'oubliez pas de venir dimanche. J'irai à votre rencontre comme je vous l'avais dit autour d'une heure et demie.


26.10.14

26 octobre

Bien chère épouse,
Deux mots pour te tranquilliser. Tout va pour le mieux, la santé est très bonne et j'espère qu'il en est de même pour toi ainsi que tous les parents. Nous recevons des effets des civils, et aujourd'hui j'ai été désigné pour avoir un de ces petits colis : j'ai un caleçon tout neuf ainsi qu'une ceinture de flanelle, et d'autres objets dont je n'avais pas besoin et que j'ai distribué aux camarades. Je viens de remercier ce monsieur qui est de Lons-le-Saunier, alors tu vois ma chérie, soit sans peine pour moi, tout va bien aller. Tranquillise-toi et pas de mauvais sang, car le moment est proche où tu va devenir maman. Donne bien le bonjour à tous les parents et embrasse les bien pour moi, et toi ma chère bien aimée, soit aussi bien embrassée par ton cher petit mari qui t'aime bien tendrement pour la vie.
Au revoir et courage,
ton Léon
Encore mille bons baisers.

Ma chère Alice
comme suite à ma lettre, je te fais savoir que tout va bien. Tu devines ma joie en rentrant : je reçois une lettre de toi ma chérie, tu ne peux savoir quelle joie j'éprouve lorsque je vois ton écriture. Tranquillise-toi bien mon trésor, je ne suis pas malheureux du tout, j'ai bien reçu tes petits colis et le tricot que tu m'as acheté va très bien. Quant au caleçon, je ne l'ai pas essayé mais il veut bien aller, pour quant au passe-montagne, je n'en ai nullement besoin. Quand j'aurai reçu l'autre paire de chaussettes, j'aurai tout ce qu'il me faut, à part toi, mais tranquillises-toi, cet heureux jour viendra, prend encore patience quelques temps et tout ira bien. Je vois l'avenir nous sourire, oh que l'on veut être heureux ma bien aimée lorsque l'on se retrouvera réunis. 
Ma chère Alice, tu me dis de te donner les noms de l'enfant si c'est un garçon : tu en as déjà un, tu lui diras encore Albert et un nom ayant ressemblance à sa marraine, et si la maman ne veut pas lui dire Amédée, je te laisse le soin de lui dire le nom qu'il te plaira.
Maintenant comme j'ai reçu une lettre de la marraine et qu'elle me parle d'Albert, nous compterons sur lui. Elle ne dit pas où il est, surement que c'est comme nous, l'on ne doit pas dire où nous sommes, mais tranquillise-toi, je ne suis pas bien éloigné de Belfort. 
La marraine m'a envoyé cinq francs dans la lettre, tu lui donneras de tes nouvelles car elle m'en demande. J'ai envoyé une carte à M. le Maire de Salins pour bien le remercier puisque tu va toucher ton argent le 28 courant le plus tard, quand tu auras reçue ma lettre je crois que tu auras déjà touché. Voici l'adresse de la marraine : Mme Veuve Josephine Griffon chez M. Louis Colin à Ivory par Salins-Jura.
Ton petit mari qui te serre bien fort sur son coeur.
Léon

Je termine vite pour aller manger car il est l'heure.
Au revoir ma bien aimée, mon cher trésor.
Tranquillise toi pour moi

21.10.14

21 octobre

Bien chère épouse,
je m'empresse de faire réponse à ta lettre du 17 courant que je viens de recevoir : pourquoi tant te faire de mauvais sang comme cela, il ne faut pas penser à de pareilles choses. Je sais bien que c'est bien dur d'être séparés les deux, mais que veux-tu, la patrie a besoin des fils pour la défendre, et c'est un devoir que je me fais d'être présent sous les drapeaux pour la France notre mère. Je ne crains rien en faisant bien mon devoir et obéir à mes chefs. Le reste ne se dit pas, nous ferons payer cher à l'Allemagne ses procédés. 
Chère Alice, je t'ai demandé des effets il y a quelques jours. Comme tu ne m'en parles pas sur ta lettre, je pense que tu n'avais pas encore reçue ma demande. Je suis désolé de ne rien recevoir d'Albert ni de sa mère, je ne sais que penser de ce silence.
En attendant l'heureux jour qui nous réunira, reçois ma bien aimée les meilleures amitiés de ton petit mari.
Léon
Bien des choses de ma part à tous les parents, et embrasse les bien pour moi.
Enfin, espérons en des jours meilleurs où nous vivrons toujours bien unis.


18.10.14

18 octobre

Dimanche 18 octobre, partant le 19

Mon Alice chérie,
Je m'empresse de faire réponse à ta lettre du 14 courant que j'ai reçue ce matin et qui m'a bien fait plaisir, car j'attendais de tes nouvelles aussi. Il faut que je te dise ma chérie, de te tranquilliser un peu. Nous aurons l'espérance de passer encore de beaux jours ensemble et de plus beaux que nous avons déjà passés les deux, car nous aurons le fruit de notre amour profond qui nous fera oublier les jours que je passe ici, et qui nous sépare tous les deux. Ayons confiance dans l'avenir : mieux vaut rester encore quelques temps comme cela, car durer c'est vaincre, et il vaut mieux ainsi que d'avoir beaucoup de pertes. 
Il y aura assez de veuves, d'orphelins et de jeunes gens qui faisaient le bonheur de leurs parents et qui ne sont plus. Mais quoique cela arrive, çela ne veut pas dire que nous serons séparés jusqu'à Pâques. J'ai l'espérance que pour le jour de l'an, nous serons réunis et si toutefois je n'étais pas rentré pour ces deux dates là, ça ne saurait tarder. 
Enfin prenons courage tous les deux, le temps est court quoiqu'il nous parait bien long. 
Mon cher trésor, je me vois déjà de retour près de toi : quelle joie pour les deux, et plus encore pour moi car je verrai deux êtres qui me seront très chers ainsi que tous les parents. 
Oh ma bien aimée, je te le redis encore : fait bien attention à ta personne, je ne voudrais pas pour tout au monde qu'il t'arrive quelque chose. J'ai bonne espérance pour le jour où tu deviendras maman, j'entrerai dans l'avenir me présentant ce cher enfant car tu ne peux savoir comme j'aime ces petits enfants. 
Tiens écoute ceci : tu verras le coeur que j'ai. Ce soir nous avons mangé, avec ma section, la soupe à 3h1/4 pour aller prendre le service aux avants-postes pour 24 heures. Il est venu deux petits alsaciens près de nous. L'un pouvait avoir de huit à neuf ans et l'autre de six à sept. Ils nous regardaient manger. Le coeur m'a serré en voyant cela, je leur ai donné ma portion de viande avec un gros morceau de pain chacun. J'ai été le seul sur deux escouades qui l'a fait. Ces enfants ne sont pour rien dans ce conflit et si leur père est soldat dans l'armée allemande, ils n'en sont pas la cause. Chacun a répondu à l'appel de sa patrie. Tu vois j'ai préféré me passer de ma portion pour leur donner et je n'en suis pas plus mal pour autant, au contraire je m'en porte très bien.
Chère bien aimée, mon trésor et ma vie entière ; tu me dis que je n'ose rien te demander, je ne vois qu'à cela d'avoir des correspondances égarées : je t'ai écrit une lettre il y a quelque temps où je te disais de me préparer encore une paire de chaussettes de laine comme celles que tu m'avais données pour Noël pour m'en faire deux ; et que je te les demanderais quand j'en aurais besoin. Tu ne m'en parle pas sur ta lettre, et si tu n'a rien reçue de cela, c'est que ma lettre c'est égarée. Je pense que tu auras reçue celle où je te demande des effets, et que mes fleurs t'auront fait plaisir. 
Tu me diras lorsque tu me récriras combien de lettres et de cartes tu as déjà reçue de moi , quoique j'ai perdu mon contrôle. Je verrai toujours bien à peu près, tu vois que maintenant je numérote mes cartes et lettres, et je conserve bien toutes celles que je reçois de toi ainsi que celles de Germaine. Voilà déjà quelques temps que je n'ai rien reçu d'elle et cependant j'ai fait réponse à sa dernière carte, peut-être que ma carte ne lui est pas parvenue, enfin dis lui bien des choses de ma part, et qu'elle m'écrive.
Mon Alice chérie, j'ai envoyé une carte à chez Mme Longchamp pour leur dire d'aérer notre logement car je ne tiens pas à ce que tu ailles maintenant à Salins, vu que ta grossesse s'avance, j'ai pris soin de toi et je veux avoir une femme bien portante avec un charmant bébé lors de mon retour qui est aussi si désiré pour toi. 
Dis bien des choses de ma part à tous les parents, et vous chère maman, vous allez avoir bien du travail avec mon épouse le mois prochain. Ce n'est pas à vous qu'incombe ce travail, c'est à moi, mais remplacez-moi pendant que je défend le sol français menacé, je ne vous oublierai jamais. J'ai le coeur de faire le bien à mes parents et surtout à vous qui le faite pour moi en ce moment : tranquillisez-vous, vous reverrez encore votre gendre qui ne vous oubliera pas.
Recevez, toute la famille, mes sincères amitiés, et toi ma chère Alice bien aimée, soit bien embrassée comme je t'aime du plus profond de mon coeur aimant

Ton Léon qui pense toujours à toi.
Encore mille bons baisers ma chérie
Léon

Adresse-moi tes lettres par Belfort maintenant.

14.10.14

14 octobre

Ma chère épouse chérie,
Je m'empresse de faire réponse à ta lettre du 11 courant pour te dire de te tranquilliser de ton voyage à Salins. Je viens d'écrire aujourd'hui même au Maire de Salins pour lui demander de bien vouloir te faire parvenir cette feuille pour que tu puisses toucher ton argent. Je lui ai dit aussi comme ces grattes-papier t'ont reçue, j'espère que tu recevras bientôt satisfaction ; et si c'est comme tu me dis que tu penses et qu'ils ne veulent rien te donner, tu me le feras savoir : si au 1er novembre tu n'as rien reçu, tu verras, je donne ce délai et après écris-moi de suite, je ferai le nécessaire, j'écrirai à Paris et tu verras que tu toucheras bien.
Chère bien aimée, fais toujours pour le mieux pour ta position. Si nous sommes éloignés en ce moment, nous avons l'espérance de nous revoir bientôt et de passer des jours heureux avec notre chérubin.
Reçois ma petite femme chérie, mes plus tendres et sincère amitiés, et soit bien embrassée.
Léon

13.10.14

13 octobre

Bien chère épouse
Merci beaucoup de ta lettre que j'ai reçue dimanche soir et qui m'a fait grand plaisir. Moi aussi je suis heureux lorsque je reçois de tes nouvelles : tu ne peux savoir la joie que j'éprouve quand j'entends mon nom pour la distribution des correspondances, car il n 'y a que de toi que j'en reçois. Je suis toujours sans nouvelles d'Albert : j'ai écrit à sa mère mais je n'ai rien reçu non plus d'elle. Je ne sais que penser de tout cela. J'ai écrit une deuxième carte à Pont d'Héry en leur donnant mon adresse, mais rien non plus comme réponse. Aussi je vais conserver mes quelques cartes qu'il me reste et que j'ai achetées à ton intention. Chère Alice, tranquillise-toi toujours bien pour moi, je suis en bonne santé et j'espère que ma présente vous trouvera toute la famille en bonne santé aussi. Embrasse bien tous les parents pour moi. Et toi, ma petite femme chérie, reçois mes meilleures amitiés.
Ton petit mari qui t'aime pour la vie et qui pense toujours à toi.
Léon

Donne le bonjour de ma part à Germaine et dis lui qu'il n'y a plus guère avant d'être marraine.

9.10.14

9 octobre

Bien chère épouse
Je m'empresse de faire réponse à ta gentille lettre que je viens de recevoir et qui m'a fait bien plaisir. Je te remercie aussi de tes beaux trèfles pour me porter bonheur. A mon tour, dans la prochaine lettre que je t'adresserai, tu auras encore quelques fleurs puisque cela te fait plaisir. Tu me dis que tu as fait voyage blanc à Salins lundi, mais tranquillises toi, si tu es acceptée comme tu me l'as dit, tu toucheras toujours bien. Si d'ici une huitaine de jours, rien ne t'est parvenu, tu me le feras savoir, et moi je me dérangerai, j'écrirai au maire de Salins qui fera bien rechercher cette feuille.
Chère Alice, fais tout pour le mieux pour la venue de notre héritier. Je suis bien content de te savoir en bonne santé, et aussi que tu as déjà trouvé la couchette de ce chérubin qui sera tout notre bonheur. La maman va avoir de cela bien du travail car c'est moi qui devrait être là, enfin je ferai tout pour elle, je lui serai bien redevable. Embrasse-la bien pour moi. 
Et toi, ma chérie, sois aussi bien embrassée comme je t'aime.
Léon

Un exemple de cartes porte-bonheur envoyées aux poilus - source : Delcampe.net

7.10.14

Le 7 octobre

Bien chère épouse adorée,

Je fais réponse à ta lettre du 4 courant que j'ai reçue hier soir et qui m'a bien fait plaisir de recevoir de tes nouvelles. J'étais déjà dans l'attente de tes nouvelles, mais j'ai été heureux d'avoir pareille lettre car j'aime quand elles sont bien remplies, cela me fait plaisir de parler un peu avec celle que j'aime toujours d'avantage, et qui m'est chère, et dont ma pensée est toujours à toi.
Puisque nous passons notre nuit dans une station de chemin de fer dont nous en avons la garde pour 24 heures, et comme je viens de tirer mes deux heures de faction ; et aussi comme je suis tranquille à 2 heures et demie du matin, je t'écris ma lettre pour qu'elle te parvienne plus tôt car elles mettent assez de temps pour arriver.
Enfin ils ne faut pas nous plaindre pour la corrrespondance : je vois de ces parents de ces épouses ici en Alsace qui sont sans nouvelles de leurs fils et de leur mari, tu peux croire que cela leur est dur, mais que veux-tu, c'est comme cela, ils ne sont pas les seuls aussi.
Chère Alice, tu me dis que ta demande de secours est acceptée pendant ma présence sous les drapeaux. J'en suis très satisfait, cela vous viendra en aide mais je te plains s'il t'a fallu retourner encore pour cette feuille, car je pense bien que tu dois être bien grosse et que tu dois bien fatiguer. Ménage toi bien ma chérie, ne va pas commettre d'imprudence, j'en aurai bien grand regret de te sentir malade et de ne pas être auprès de toi.
Il y avait l'espérance que je serais rentré pour ce grand jour où je deviendrai papa pour la première fois, enfin je ne me décourage pas pour autant, j'ai toujours l'espérance pour ce jour, et si je ne suis pas rentré, cela ne saura tarder après. J'aurai la joie d'embrasser mon épouse et mon enfant qui seront tout mon bonheur ainsi que tous nos chers parents.
Ma petite femme chérie, tu me dis que tu me ferais un grand plaisir de me présenter un beau petit garçon lorsque je rentrerai. Qu'il plaise àDieu de nous donner ce qu'il voudra, mais moi je préfère une gentille petite fille comme sa maman. Tu peux croire que je serai heureux si cela arrivait, surtout pour le premier car les filles aident mieux leur maman qu'un garçon. Les garçons aussitôt que ça peut courir, ça se sauve et ils rentrent tout déchirés, et c'est la maman qui travaille à refaire tout cela ; et toi tu ne mérites pas cela. Tandis qu'une petite fille reste auprès de sa maman, elle l'aide, garde son frère et sa soeur comme tu l'as fait toi-même ma chérie.
Chère épouse adorée, tu me dis que tu n'as pas rendu mes jambières, j'en suis bien satisfait. Je ne veux plus rentrer dans la compagnie de sapeurs pompiers de Salins. Ils ont les effets et je suis payé donc tout est fini. Seulement n'en parle pas du tout : tu ne voudrais pas que lorsque je serai rentré de cette guerre, comme j'ai l'espérance de porter encore ces effets, non je veux t'obéir comme je t'aime : tu n'y tenais pas et bien aujourd'hui c'est tout fini.
Je termine ma lettre mon cher trésor, en t'embrassant bien fort comme je t'aime du plus profond de mon coeur, et dont toute ma vie est à toi.
Embrasse bien tous les parents aussi pour moi et donne le bonjour aux amis et connaissances.
Encore mille bons baisers ma chérie et au revoir et courage.
Léon

Je t'écrirai encore d'ici quelques jours. Ton petit mari qui t'aime et qui pense toujours à toi.
Léon

5.10.14

5 octobre

Bien chère épouse,
Ayant un moment, je te fais parvenir ces deux mots et pour te remercier de ta carte du 30 septembre, où tu m'annonces la mort de Mme Perret mère, et les nouvelles que tu as reçues de Pont d'Héry. Moi non plus, je n'ai encore rien reçu d'Albert, mais comme j'ai  écrit à sa mère, j'aurai probablement de ses nouvelles d'ici quelques jours. Reçois ma chère Alice mes plus tendres amitiés, et soit bien embrassée, ainsi que tous les parents. Le bonjour aux amis et connaissances.
Ton petit mari. 
Léon


1.10.14

1er octobre

Chère épouse chérie
Merci beaucoup de ta lettre que j'ai reçue hier au soir et qui m'a fait bien plaisir d'avoir de tes nouvelles. Fais tout pour le mieux pour les légumes, je suis toujours content. Tu me dis que tu prépares déjà le trousseau pour l'héritier que nous attendons. Tu fais bien, pour quant au berceau, fais pour le mieux en attendant mon retour. J'en ferai faire un neuf par l'oncle. Tu me dis que les pommes de terre pourrissent beaucoup, et bien il serait préférable de ne garder que quelques doubles de bonnes et d'emmener le reste à Onay pour le porc, nous en trouverons toujours assez pour nous. Voilà déjà deux mois que je t'ai quittée, le temps m'a déjà paru bien long, enfin espérons que ce sera bientôt fini, où l'on pourra passer d'heureux jours ensemble encore et où l'on aura ce petit bébé qui sera tout notre bonheur. J'espère que mes fleurs t'auront fait plaisir comme toi la pensée dont je te remercie infiniment. Reçois mon cher trésor chéri, ainsi que tous les parents, mes meilleurs salutations et soit bien tendrement embrassée, comme je t'aime pour la vie.
Léon