14.12.14

14 décembre

Ma chère bien aimée et petite Marie
Ayant un moment à moi par ce vilain temps, je fais suite à ma carte que je t'ai adressée hier, mais tranquillise-toi car aujourd'hui nous ne sommes pas à la pluie, je n'ai pas à me plaindre pour cela, je n'ai pas été encore mouillé. Voilà cependant 4 mois de campagne, et je ferai encore moyen de ne pas me laisser tremper. Nous avons des couvres-pieds et nous les mettons sur notre dos lorsque nous sommes aux avants-postes, puis lorsqu'ils seront mouillés, nous ferons de gros feux pour les faire sêcher. Nous avons également de grandes couvertures, mais nous les laisons au cantonnement, et lorsque nous avancerons, les voitures les transporteront, nous ne pouvons encore pas nous plaindre du froid lorsque nous sommes aux avants-postes. Nous ferons du feu car le bois ne manque pas en Alsace, et au cantonnement, c'est à dire au pays que nous sommes, nous couchons dans des chambres, et comme les planchers forment le plafond, nous avons la chaleur des pièces en dessous qui sont chauffées, surtout chez nous. 
Ici c'est une jeune famille qui a six enfants et le septième en route, car ça niche comme les lapins, alors le feu ne manque pas dans cette maison. Lorsque nous ne sommes pas trop fatigués, nous allons veiller le soir à la chambre et entendre pleurer les petits, ça m'habituera pour quand je serai rentré, mais je voudrai pas en avoir comme cette famille, et je pense que tu es de mon avis ma chère Alice. Enfin, lorsque je serai de retour, nous travaillerons pour le mieux.
Voici, ma bien aimée ce que sont les avants-postes. Figure-toi que l'ennemi se trouverait à La Chapelle, la ligne des avants-postes comporterait Onay- St Benoit : deux points principaux à garder à cause des chemins. Entre ces 2 chemins il y aurait un petit poste dans les champs : nous y ferons des tranchées ou en cas d'attaque, nous serons cachés de la vue de l'ennemi mais qui nous permettrait de le fusiller dès que nous l'apercevrons ; et en avant de ces tranchées, de grands réseaux de fil de fer barbelés de crainte qu'il vienne trop nombreux ; puis, en arrière des pays d'Onay et St Benoit, les gros des grands gardes qui viennent nous renforcer. Il y a aussi les postes d'écoute pour la nuit, avant les tranchées, ce qui permet d'avertir l'arrière par une bonne fusillade, puis nous nous sauvons vers les autres par un chemin fait pour cela, que l'ennemi ne puisse nous suivre. Nous ne craignons rien pour tout cela. C'est dans un de ces postes que j'ai fait le service en remplacement du caporal malade. Maintenant il va mieux et je serai bientôt à mon premier service. Ne te fais pas de mauvais sang, tout va bien, prend toujours bien patience de mon absence. L'heureux jour qui nous réunira approche. 1914 touche à sa fin et 1915 nous apporte la gloire, la victoire et le bonheur pour toutes les familles. J'aurai le plaisir de faire mon petit jardin et de promener notre cher ange par les beaux jours. 
Nous irons aussi le dimanche nous promener voir la maman et comme chez M. Perret ne sera pas là, nous en profiterons. J'espère que Mme Longchamp ne nous embetera pas, enfin pardonne-moi ce que je t'ai dit chère Alice, ne crois pas que je me gênais de te demander quelque chose, mais tu as assez à faire, car il ne faut pas que la maman qui a assez à faire pendant mon absence dis lui bien des choses pour moi à cette chère maman que je n'oublierai pas. 
Embrasse la bien pour moi ainsi que tous les parents et donne bien le bonjour aux amis et connaissance, et toi, ma petite femme chérie, soit aussi bien embrassée, ainsi que petite Marie, vous qui êtes mon plus grand bien sur cette terre. Reçois aussi mes sincères amitiés.
Au revoir. Courage. Patience.
Ton petit époux et petit papa.
Léon

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