19.11.14

19 Novembre

Bien chère Alice et petite Marie
Je m'empresse de faire réponse à ta lettre du 15 courant que j'ai reçue hier étant encore en dehors du cantonnement. Je suis bien content de savoir que tu es bien remise, que la santé va bien et que petite Marie vient bien aussi. Tu me dis qu'elle te fait enrager, c'est bien tous les petits qui sont de même les premiers mois. Prends patience ma chérie, je voudrais bien être auprès de toi pour la tenir quelques fois, mais je ne désespère point de cela. 
Cet heureux jour viendra, je ne sais encore lequel mais j'espère aussi que ce sera plus tôt que nous croyons. 
Les nouvelles sont favorables pour nous : nous progressons sensiblement sur la ligne de combat des Vosges au Nord en leur infligeant des pertes assez sérieuses. Du côté des Russes, la situation est très bonne, les Russes sont toujours victorieux, ils écrasent les boches et les Autrichiens, et rien n'arrête leur marche sur Berlin et sur Vienne. De notre côté, en Alsace, nous en sommes toujours à la même chose : voilà 50 jours que nous sommes dans le même patelin en Haute Alsace. Je ne t'avais encore pas parlé que nous étions défense mobile de Belfort, ça nous était défendu - et encore maintenant - de donner des renseignements mais je t'en parle quand même sachant que tu te réserves de le rapporter. Comme service des avants-postes l'on s'en appuie assez, mais comme combat je n'en ai encore pas beaucoup vu, et je crois qu'il en sera toujours ainsi. 
La démoralisation se prononce dure dans l'armée allemande : une belle chose pour nous autres ; et leur force n'est plus si considérable qu'il y a quelques temps. Le succès s'affirme de plus en plus et la victoire est certaine pour nous et les alliés, donc prenez tous bien patience et le reste ne sera rien, encore quelque temps et tout sera fini.

Chère Alice bien aimée, j'ai reçu une lettre de Salins hier, et comme il m'avait joint une carte, je leur ai répondu. Je leur dit que tout va bien dans ma petite famille, que tu es bien remise et que petite Marie vient bien aussi. Ils me disent aussi que tu leur a fait réponse sans leur donner d'adresse, et que tu leur dis qu'il ne faut pas qu'il s'occupe de toi. Il me demande pourquoi car ils ne t'ont pas fait de mal. Alors ma chérie, voici ce que je leur ai répondu : 
"Pour quant à Alice dont vous me parlez de sa réponse, je comprends bien le motif et vous ne l'ignorez pas non plus, la grand mère a du vous en parler : nous n'avons pas demandé d'assister au baptème de Simone mais il ne fallait pas tant le cacher, nous avions fait venir la grand mère manger avec nous le samedi car nous allions à Onay le Dimanche ; donc vous ne deviez rien craindre que l'on aille vous voir ce jour là, et chose bizarre, Alice en parlait à la grand mère qui a bien su le cacher. Je suis allé à Pont d'Héry huit jours après : Albert a dit que vous nous aviez invité : voilà tout le motif, moi j'en suis bien été de même qu'Alice, enfin espérons que cela se passera avec le temps mais je ne veux pas blâmer mon épouse pour cela, j'aurais bien tort." 
Tu penses ma chérie qu'après pareille réponse, ils ne veulent plus m'écrire mais ça m'est bien égal, je ne leur dois rien moi. 
Chère petite maman, j'ai reçu aujourd'hui une carte de Germaine qui m'a bien fait plaisir car elle me donne de tes nouvelles ainsi que de petite Marie. Pour quant à Albert, je n'ai toujours rien reçu de lui. S'il ne me fait pas réponse, je ne lui écrit pas. 
Il fait déjà froid ici, nous voyons la neige sur les cimes des Vosges. Tranquillise-toi toujours bien pour moi car je prends toutes les précautions contre le froid et aussi pour ma santé. Embrasse bien la maman et tous les parents pour moi et aussi bien le bonjour aux connaissances ; et vous mes deux trésors en ce monde, soyez bien embrassées comme je vous aime par votre époux et petit papa qui pense toujours à vous. 

Au revoir et courage. Au jour de bonheur que nous attendons.
Léon

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