1.1.15

Le 1er Janvier

Bien chère épouse et petite Marie,
Je suis désolé de ne point recevoir de tes nouvelles depuis ta lettre du 18 décembre : je n'ai point eu de tes lettres et je ne sais que me penser de cela. Oh ma chérie, l'année passée en ce jour nous étions si heureux, et aujourd'hui j'ai beaucoup pleuré ; enfin, tranquillise-toi, j'ai toujours confiance en toi et je crois que c'est la Poste qui occasionne tous ces retards, mais néanmoins je suis bien tourmenté de cela. Comme tu le vois à mon adresse, ma section a été versée au 57ème et je te mets par Belfort, mais il faudra ajouter "faire suivre en campagne". J'ai reçu un petit colis de la marraine le 29, contenant une saucisse cuite, une demi-livre de chocolat, un paquet de cigarettes et un cigare, et je crois que vous avez tous reçus mes bons souhaits. J'ai toujours la grande espérance que le printemps joyeux nous réunira. Embrasse bien mon enfant, notre cher ange, et tous les parents, et toi, ma bien aimée, reçois mes plus tendres amitiés et soit aussi bien embrassée.
Ton Léon




Onay, le 1er Janvier 1915

Cher époux adoré et cher petit papa,
Je fais réponse à ta chère lettre et carte que j'ai reçues hier et qui m'ont fait bien plaisir d'avoir de tes nouvelles, et surtout de savoir que tu étais à peu près remis de tes vaccins car j'ai si peur qu'il t'arrive quelque chose mon chéri, car tu es mon seul bonheur sur cette terre avec ma chère petit fille.
Cher Léon, nous sommes tous en bonne santé et rassure-toi, il n'est rien arrivé : si tu n'as point reçu de mes nouvelles de toute une semaine, c'est que la Poste ne fonctionne pas régulièrement car je t'écris presque tous les deux jours. Ainsi j'ai en route une lettre du dimanche 20 courant, une du mardi, une du jeudi, une du dimanche 27 où je t'offre mes meilleurs souhaits de bonne année, ainsi que tous ceux de ma famille ; et une de mardi avec un petit colis pour tes étrennes. Si toutefois cher Léon, tu reçois cette lettre avant le colis, tu feras bien attention en ouvrant le cornet de dragée car je t'y ai mis une petite image. 
Cher Léon, si tu ne reçois pas mes lettres aussi vite qu'auparavant, c'est peut-être à cause que je mets "Secteur Postal" car le facteur de la Chapelle m'a dit qu'il y a des endroits qui y gagnaient en mettant "Secteur", et d'autres qui y perdaient ; c'est pourquoi je vais essayer de t'envoyer celle là par Lons comme d'habitude, et tu verras bien si ça va mieux, et tu me diras comme il me faut continuer de mettre.
Cher Léon, je suis allée à Salins hier toucher l'allocation et en sortant de chez le Percepteur, j'ai acheté un cierge pour le porter à Notre Dame Libératrice pour qu'elle te protège et te ramène au plus tôt vers celle qui ne pourrait pas vivre sans toi, et je lui ai dit aussi que tu aimes tous les enfants, qu'elle te donne le bonheur de voir le tien. J'espère qu'elle exaucera ma prière et te rendra un jour à ma tendresse pour m'aider à bien élever notre chérie, car sans toi je ne sais ce que je deviendrais. 
Oh cher Léon, fais le plus attention à toi que tu pourras, afin qu'il ne t'arrive rien, car j'en serais désolée, enfin, j'ai la ferme espérance de te revoir un jour. Mon cher Léon aimé, j'ai vu Jeanne Longchamp en ville et elle m'a dit qu'ils avaient reçus une carte de toi le matin, et de crainte que je n'ai rien reçu ce jour là, je suis allée voir ce que tu leur disais tant j'avais hâte d'avoir de tes nouvelles, et tu peux deviner la joie que j'ai eue en arrivant, de trouver ta chère correspondance que j'ai lue et relue je ne sais combien de fois.
J'ai vu également en m'en revenant de Salins M. Bourgeois qui allait travailler à la carrière, car comme il n'y a guère d'ouvriers, il travaille quelques jours à l'usine du haut, quelques jours à celle du bas, et quelques jours à la carrière ; donc cher Léon, il m'a chargé de t'envoyer un grand bonjour et te t'offrir ses meilleurs voeux de bonne année. Chez la marraine me charge aussi de bien te remercier de la carte que tu lui as envoyée et te prie de bien vouloir recevoir leurs meilleurs souhaits en attendant qu'ils aient le plaisir de te voir. Cher bien aimé, la maman me dit de te dire comment petite Marie monte bien l'échelle, elle la tient droite sur elle en la soulevant sous les bras, elle jette ses petits pieds l'un devant l'autre, tout comme si elle savait déjà marcher, car elle monte depuis les genoux de la maman assise jusqu'au dessus de sa tête, et il faut voir comme elle est contente et comme elle monte vite, aussi la maman raffole d'elle.
Cher Léon, il faut aussi que je te dise que je suis allée avant hier à la Chapelle mener voir notre petite chérie à Madame Blandin car il y a longtemps qu'elle réclamait qu'on lui mène voir, et comme il faisait bon, j'en ai profité et écoute mon chéri ce qu'on a décidé : je ne devrais pas te le dire pour te faire une surprise mais je ne sais rien te cacher à toi mon chéri. L'on a décidé que demain s'il fait beau temps, que M. Blandin me mènerait à Salins en voiture avec petite Marie pour me faire photographier avec elle, et te l'envoyer. J'espère que cela te fera plaisir d'avoir tes deux petites chéries avec toi.
Cher Léon, c'est aujourd'hui le premier de l'an. Quelle différence avec l'année dernière ! que nous étions heureux les deux, et t'en souviens-tu : comme nous nous sommes amusés l'après midi les deux car nous n'avions plus que 16 jours avant de nous unir pour la vie.
Je ne vois plus plus grand chose à te dire, que toute la famille se joint à moi pour te renouveler nos meilleurs souhaits de bonne année.
Reçois cher bien aimé, mille baisers de ta petite femme, et aussi tous ceux que je donne à notre chérie pour toi.
Ta petite femme qui t'aime bien tendrement pour la vie.
Alice

Cher Léon, il faut au moins que je te dise que j'ai trouvé ta carte bien jolie. Je t'en remercie bien sincèrement ainsi que tes bons souhaits. Encore mille Baisers.
Ton Alice

Chapelle Notre Dame Libératrice de Salins-Les-Bains - Photo O. Arquès - 27/12/2014

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire