11.1.15

7 Janvier

Dannemarie Alsace, le 7 janvier

Bien chère épouse et petite Marie

Je fais suite à ma carte d'hier, je ne pouvais t'écrire une lettre, le temps me manquait car je ne voulais pas attendre un jour de plus sans te donner de mes nouvelles parce que la Poste ne fonctionne pas encore bien régulièrement.
Ma petite femme chérie, je te rappelle encore combien ta lettre m'a fait grand plaisir, j'en pleure de joie de voir que tout va bien dans notre petite famille. Oh que je voudrais voir notre petite chérie grimper sur la tête de la maman, comme je serais heureux d'être parmi vous et de vous serrer dans mes bras, car je puis te le dire, mon Alice bien aimée, que toi et petite Marie vous êtes mon unique bien sur cette terre. 
Qu'il est doux d'être aimé et de s'aimer, mais que c'est bien dur aussi d'être séparés. Enfin, ne nous décourageons pas, tout ce que tu fais et que tu demandes à Notre Dame Libératrice sont de bien bonnes et belles choses. Espérons qu'elle écoutera tes prières comme les miennes et qu'elle les exaucera. Moi aussi je lui demande qu'elle vous protège, qu'elle vous conserve la santé et qu'elle me donne le bonheur de vous revoir, de connaitre mon enfant et de bien l'élever. Enfin, je la remercie bien de m'avoir favorisé : pas encore une fois mouillé, pas encore malade à part la vaccination qui m'avait un peu dérangé. Tu vois ma tendre épouse, que je ne suis pas si à plaindre que tu te le penses. Il n'y a que les premiers jours de la campagne qui ont été un peu durs car l'on étaient pas entrainés, et puis la chaleur nous gênait aussi ; mais maintenant tout marche bien avec le sac au dos nous sommes aussi lestes que les premiers jours étant à vide.
Chère épouse, il faut que je te dise que dans la Territoriale il n'y fait pas si mauvais que ça. Tu ne voudrais pas croire ce que l'on fait quand l'on est pas aux avants-postes : j'ai déjà été employé aux travaux d'artillerie, au cassage de pierres pour les routes, à scier du bois pour l'hôpital de Dannemarie où nous sommes maintenant, et à faire un peu d'exercice ; donc nous ne risquons rien et les avants postes nous n'y allons pas bien souvent, ce n'est que pour permettre aux troupes des premières lignes de prendre du repos, alors tranquillise-toi bien pour moi, je te dis toute la vérité.
Chère épouse adorée, je te remercie déjà de la belle initiative que vous avez eu chez Mme Blandin pour te faire photographier avec petite Marie. Oh que je veux être heureux lorsque j'aurai ce précieux souvenir sur mon coeur. Je pourrai revoir l'image de ceux qui me sont si chers et de mon enfant que je ne connais pas. Je veux autant vous embrasser que si vous étiez en présence réelle, si nos coeurs ne sont pas proches, nos pensées sont les mêmes et se joignent dans un commun amour et d'amitiés les plus sincères.
J'ai reçu bien des correspondances en réponse des voeux et souhaits que j'avais adressés. Mesdames Perret m'ont répondu par une carte que je t'enverrai prochainement. Aujourd'hui je te joins la lettre de Jeanne Longchamp. Tu pourras voir que le malentendu n'existe plus. Tout est bien qui finit bien. Mesdames Perret sont très contentes de mes bons souhaits, elles les transmettent à M. le docteur Perret qui, je n'en doute pas, sera bien content. Donc courage ma chérie, nous passerons encore d'heureux jours ensemble avec notre chérie dans ce joli petit appartement que nous avons quitté à ce maudit jour de mobilisation, mais que l'on oubliera bien vite lorsque nous serons réunis. J'ai envoyé une carte à M. et Mme Bourgeois car il s'occupe bien de moi. Tu leur donneras bien le bonjour de ma part ainsi qu'aux amis et connaissances. Remercie bien aussi chez le parraine et la marraine d'Onay de leurs bons souhaits.
Chère Alice, j'ai eu de belles étrennes, j'ai reçu hier 10 francs comme bon soldat. J'ai exactement 23,60 francs sur moi. Viens toujours bien en aide à la maman qui a si soin de toi et de petite Marie. Embrasse la bien aussi en attendant que je lui rende les bienfaits dont elle vous comble.
Au revoir ma bien aimée et mon enfant chérie, et recevez mes plus tendres amitiés. 
Soyez aussi bien embrassées comme je vous aime pour la vie.
Espérance et patience dans l'avenir qui nous sourit. Mille bons baisers mes chéries.
ton époux et petit papa.
Léon

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