16.1.15

16 janvier

Ballersdorf, le 16 janvier partant le 17

Ma petite femme chérie et chère petite Marie,
je t'écris quoique n'ayant pas reçu de tes nouvelles. Aujourd'hui voilà le service postal qui recommence à ne plus bien fonctionner, ta lettre du 5 courant je l'ai reçue le 9, celle du 7 le 14, et maintenant je suis dans l'attente. Je voudrais bien en recevoir une de toi qui puisse me dire que tu n'es plus en peine de mes cartes du 28 décembre et 1er janvier. J'ai toujours le coeur bien gros pour cela et je te demande ma bien aimée de bien vouloir me pardonner cela ; si je voyais sur tes lettres encore de pareilles paroles, tu peux croire ma chérie que tu ne reverrais plus ton petit époux, car la douleur que j'ai est trop grande, et revoyant ce que tu penses, je tomberais. 
Comment se fait-il que j'ai pu te dire de pareilles affaires ? Je ne peux y croire. Conserve ces cartes que si j'ai le bonheur de rentrer tu puisses me convaincre, car pour moi je ne crois pas que j'ai pu douter de toi en de si vilaines choses. Non, jamais cela, ma chérie, je t'aime trop ainsi que notre chérie. Tu as du te tromper pour cela, ma pensée était qu'en restant si longtemps sans recevoir de tes nouvelles il avait du arriver quelque malheur dans la famille, et que tu étais trop en peine de me le faire savoir. Et c'est sur cette carte du 28 décembre que je te disais si tu m'oubliais, mais je n'ai pas voulu te dire qu'un autre homme prendrait ma place. C'est tout comme si tu te pensais cela de moi, mais je ne crains rien de ce côté là. Et la carte du 1er janvier, je vois à peu près ce que j'ai mis, car j'ai poussé à vite t'écrire pour te dire où j'étais, et sur cette carte je te disais que j'étais désolé de ne point recevoir de tes nouvelles et que je ne savais que me penser de ce silence.
Oh ma tendre épouse, ne prend pas ces paroles pour quelque doute que ce soit. Jamais je n'ai pensé cela de toi ma chérie, non jamais de ma vie je n'aurai ces pensées là. Si tu avais vu ma peine et me voir pleurer, tu n'aurais jamais pensé cela. Je suis trop heureux de t'avoir pour épouse pour te faire si grande peine, et je demande à Dieu pour notre cher ange ces paroles en ton honneur et en mon pardon. Oh petite mère, pardonne à mon petit père et à toi ton petit époux qui t'aime tant et qui lui tarde tant de rentrer, pour revoir les êtres qui lui sont si chers et qui ne vit que dans l'espoir d'être rendu à la tendresse de son épouse et sa petite fille. 
Oh ma chère Alice, où est cet heureux jour qui nous réunira, car je puis te dire que j'ai la ferme espérance de mon retour, car toutes ces belles choses que tu as faites en mon intention, Dieu ne permettra pas de nous séparer. Et ce jour là, nous souderons dans un gros baiser une amitié toujours sincère, toujours plus grande, et où nous oublierons cette cruelle séparation, ainsi que ces tristes souvenirs ; et nous vivrons encore heureux avec notre chérie et ceux que le Bon Dieu nous enverra encore.
Encore une fois, mille pardons pour ces cartes et toutes ces peines que je t'ai causées, ainsi qu'à moi même. Tu ne peux savoir mon adorée ce que je souffre de tout cela, une peine en amène toujours une autre ; mais reconsole toi bien vite pour cela car moi-même je me reconsole dans vos photographies et où je vous embrasse bien sincèrement en attendant de le faire autrement. 
Tu ne peux savoir ma chérie comme je pleure en vous voyant, mais quoique cela je suis heureux de vous avoir et de plonger mon souvenir en vous, quoique ma pensée est toujours à vous et aux parents.
Chère Alice, tu me demandes dans ta dernière lettre pourquoi j'ai changé de régiment : c'était un ordre qui était venu, une section de réserve devait passer dans la territoriale, mais comme je t'ai prévenu le 12, nous sommes rentrés dans notre régiment et j'en suis bien content car nous sommes bien à la 18eme compagnie avec le lieutenant Pernet. Ce que Sigonney a écrit à Mme Quatrepoint c'est bien la réalité et tu peux te tranquilliser pour moi, et ne te tourmente pas pour cette lettre car tu es mère et tu allaites une jolie petite fille qui me fait si grand honneur et que j'aime beaoucoup, ainsi que toi ma bien aimée. 
J'espère que ma lettre ne te tourmentera pas pour n'importe quoi ni à ce que je t'ai dit. Voilà bientot un an que nous sommes liés à l'autre : c'est demain. Que nous avons été heureux ce jour là d'être unis bien tendrement. Je n'aurais jamais cru que pour cet anniversaire je serais éloigné de toi depuis cinq mois et demi, et pour un si grand malheur. Enfin, patience ma bien aimée, l'année que l'on est nous rendra heureux après une si grande séparation. Alors je revois ces beaux jours qui reviennent et qui nous sourient à tous les deux. Je vois déjà ma petite Marie ne voulant pas que je l'approche car elle ne me connaîtra pas, cela me fera un peu de peine mais je serai le plus heureux des hommes car j'aurai eu ton pardon et tes tendresses. Je serai dans tes bras en me comblant de baisers bien doux. Je serai dans un moment d'allégresse et une joie si grande que j'oublierai les fatigues et cette dure séparation. Enfin, vient l'heureux jour de joie et de bonheur. 
Je termine oh chère adorée, reçois ainsi que petite Marie et tous les parents mes plus tendres et sincères amitiés. Embrasse bien petite Marie pour moi. Tu me diras quand tu m'écriras combien mes lettres mettent de jours à te parvenir. Au revoir, courage et patience.
Ton Léon qui t'adore et qui t'aime pour la vie.




Onay le 16 janvier,

Mon petit homme chéri,
Je fais réponse à ta chère lettre du 9 courant que j'ai reçue hier un instant après que j'ai eu mise la mienne à la boite. Je te remercie beaucoup mon cher Léon de cette bonne et grande lettre qui m'a causé une joie bien grande. Oh oui mon chéri, je veux te faire une grande fête le jour où j'aurai le bonheur de me jeter de nouveau dans tes bras. Je suis bien comme toi, je crois que nous voulons nous embrasser sans jamais nous lasser, nous nous aimions déjà bien avant mais quand tu seras rentré, ce sera bien autre chose ; et moi pour ma part, si il ne me fallait pas m'occuper de notre petit ange, je crois que je resterais des journées à t'embrasser sans jamais te quitter. 
Tu me dis mon chéri de te pardonner. Que veux-tu que je te pardonne ? L'amour que tu as pour moi, mais j'en suis bien contente de me voir tant aimée par toi mon chéri. La peine que j'avais c'était de voir que j'avais beau t'écrire et que tu ne recevais toujours rien, et je savais bien qu'avec l'amitié que tu as pour moi que tu devais être beaucoup tourmenté comme je le suis moi, même lorsque je reste un jour ou deux de plus que d'habitude sans avoir de tes nouvelles.
Cher Léon, tu me dis que tu ne te gênes pas avec moi. Tu fais très bien et j'en suis bien contente car si tu te gênais, tu me ferais de la peine et toutes les fois que tu me demandes quelque chose je le considère comme des preuves d'amitiés. Ainsi, tu vois, plus tu me demanderas, plus je trouverai que tu m'aimes. Cher bien aimé, tu ne sais pas le regret que j'ai eu en lisant ta lettre chérie : et bien c'est de n'être pas à la place de ces casseurs de pierre pour être près de toi. Cher adoré, je suis bien contente de voir que tout le monde t'aime et t'estime comme tu le mérites, car tu es le meilleur des hommes et que pour moi tu es un vrai trésor. Oh cher Léon, moi aussi je préfèrerais la mort que d'être privée de ta présence bien aimée, mais il me faut vivre pour notre ange car je l'aime tant que je ne pourrais pas l'abandonner ni la laisser mourir. Mais ne nous décourageons pas, va mon chéri, le temps passe encore vite quoique nous le trouvons bien long. Il y a des moments où je ne peux pas croire qu'il y a cinq mois et demi que tu m'as quittée. Espérons que Dieu te protégera encore comme il l'a fait jusqu'à maintenant et que dans 2 ou 3 mois nous aurons le bonheur de nous trouver réunis.
Mon cher Léon chéri, il y aura demain un que je suis à toi .C'était un bien beau jour mais le jour où tu rentreras sera encore mille fois plus beau, car on sent mieux maintenant que l'on est séparés ce que c'est que la force de l'amour ; et moi, j'aurais eu tellement peur de perdre mon cher petit homme que je veux à son retour lui faire une vie douce et heureuse autant qu'il sera en mon pouvoir de le faire.
Cher Léon, il faut que je te dise que petite Marie ne veut pas être une bête comme sa maman qui n'a jamais su danser, car elle, il faut voir comme elle aime se faire sauter et comme ses petites pieds marchent. Edmond dit qu'elle pédale et quand elle s'est bien amusée elle dort mieux. Hier, elle a dormi depuis les 8 heures du soir jusqu'à trois heures. je m'étais relevée à 1 heure pour la faire manger mais elle dormait si bien que je l'ai laissée. La maman me charge de te dire bien des choses de sa part et t'envoie un grand bonjour aves ses meilleures amitiés.
Reçois cher léon, les gros baisers que je donne à notre chérie pour toi. Ta petite femme qui pense toujours à toi et qui t'embrasse bien fort en attendant de te prouver la grande amitié qu'elle a pour toi. 
Celle qui t'adore pour la vie.

Alice Viennet

(Cher Léon, Charles Callier de St Benoit est à la 3eme compagnie du même régiment que toi)

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